Le jugement la Cour suprême autorise une fin en queue de poisson au feuilleton du «détournement» des 57 milliards de surplus de l'assurance emploi: le Parlement pourrait adopter d'ici 12 mois une loi rétroactive qui ferait en sorte que les cotisations des années 2002, 2003 et 2005 ont été perçues et gérées en toute légalité.

Mais la gauche - syndicats, Bloc québécois et NPD - a mis en garde le gouvernement contre cette solution trop simple. D'autant plus que l'amélioration au régime d'assurance chômage fait partie des éléments sur lesquels la coalition de l'opposition s'est entendue.

 

Et avec la crise économique qui menace, le dossier de l'assurance emploi va devenir politiquement incontournable.

«Nous, on propose d'abolir les deux semaines de carence, d'augmenter les prestations et agrandir les critères d'admissibilité, dit Yvon Godin, député d'Acadie-Bathurst et critique du NPD à l'assurance emploi depuis 1997. Il y a juste 32 % des femmes et 38 % des hommes qui cotisent à l'assurance emploi qui ont accès aux prestations. Ça ne fait pas seulement mal à la personne, ça fait mal à sa famille, à sa communauté, à sa banque aussi si on n'est plus capable de payer l'hypothèque!»

«Avec la crise, le système va être sollicité et il ne faut pas laisser les gens tomber, dit M. Godin. On ne peut pas dire aux gens: «vous avez mis de l'argent là-dedans toute votre vie et vous ne pourrez pas en profiter.»»

Yves Lessard, député du Bloc québécois, dit que son parti va continuer d'exiger que les 57 milliards ayant servi à réduire le déficit fédéral soient reversés à la Caisse de l'assurance emploi.

«Il faut que les milliards soient ramenés dans la caisse, dit-il. Les libéraux ont signé une entente dont la plateforme prévoit l'usage de la caisse strictement à des fins d'améliorer le régime, et non pas pour rembourser le déficit du gouvernement. C'est nouveau parce ce n'était pas leur politique quand ils étaient au pouvoir.»

La Fédération des travailleurs et travailleuses du Québec (FTQ) fait la même demande au gouvernement Harper. «Le gouvernement conservateur a le devoir moral de remettre l'argent détourné dans la caisse de l'assurance emploi», a déclaré le secrétaire général de la FTQ, René Roy.

Le patronat ne veut pas revenir en arrière

De son côté, le Conseil du patronat du Québec ne souhaite pas revenir sur le passé et ne s'oppose pas à une loi rétroactive. «On était opposés à l'utilisation des surplus pour d'autres fins que l'assurance emploi, mais on ne croit pas qu'il était réaliste de revenir en arrière, dit Norma Kozhaya, économiste en chef au CPQ. Ça voudrait dire hausser les impôts ou faire des déficits, ce qui n'est pas souhaitable.»

Les employeurs, qui contribuent 40 % de plus que les salariés à la caisse, sont cependant d'accord avec les syndicats pour isoler la caisse du budget fédéral.

Julie Vaux, porte-parole de la ministre Diane Finley, a fait ses commentaires par courriel. Elle rappelle que le gouvernement a annoncé dans son budget 2008 la création d'un compte distinct pour l'assurance emploi. «Ce compte sera géré par une société d'État indépendante de façon à ce que les cotisations servent exclusivement aux prestations versées aux travailleurs et à ce que les excédents ne soient pas utilisés pour d'autres programmes du gouvernement», a-t-elle précisé. Pas question pour le moment de revenir sur le passé.