Près d'une soixantaine de gangs distincts ont infiltré les principaux aéroports du pays, dont Montréal-Trudeau, révèle une longue enquête de la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Cette situation peut compromettre la sécurité des passagers, indique la police fédérale. La GRC a épluché plus de 1300 rapports d'enquête policière concernant des activités illicites survenues dans huit grands aéroports du Canada de 2005 à 2007. Tous n'ont pas débouché sur des mises en accusation.

 

«Dans certains cas, l'intérieur de l'aéronef a été modifié de manière à dissimuler de la drogue, ce qui aurait pu mettre en jeu la sécurité des passagers à leur insu», écrit la section des renseignements de la GRC dans un rapport rendu public, hier, après que le Globe and Mail en eut révélé la teneur.

Des employés complices

La majorité des activités criminelles dans les aéroports se déroulent à Toronto, Vancouver et Montréal, selon cette enquête baptisée Projet Spawn. Parmi le millier de personnes impliquées dans des activités de contrebande ou soupçonnées de l'être, on compte près de 300 anciens ou actuels employés de compagnies aériennes. Fait troublant: la majorité de ces employés travaillent toujours dans un aéroport canadien aujourd'hui, a constaté le corps policier fédéral.

«Aucune organisation publique ou entreprise n'est à l'abri d'une infiltration par un groupe criminel qui ne recule devant rien pour faire du profit», a souligné à La Presse le surintendant principal aux renseignements criminels de la GRC, Pierre Perron.

Les groupes du crime organisé exploitent les aéroports en corrompant les employés ou en intégrant des associés criminels aux effectifs de l'aéroport. L'opération policière Colisée est citée en exemple. Cette opération menée au Québec en 2006 a révélé les techniques de la mafia montréalaise pour infiltrer l'aéroport Montréal-Trudeau. Dans son rapport, la GRC n'énumère pas la soixantaine de gangs ciblés.

«On se rend compte qu'il faut améliorer l'échange d'informations entre les corps policiers, l'Agence des services frontaliers du Canada et Transport Canada. Les lois actuelles ne nous permettent pas d'échanger des informations sur des employés des aéroports tant qu'une enquête criminelle n'est pas ouverte», explique M. Perron. Exemple de manque de communication: un ancien employé d'une société aérienne a continué de voyager en compagnie de motards à l'aide d'un laissez-passer.

Seulement 1% des employés des aéroports affectés à des zones réglementées faisaient l'objet d'un contrôle à l'entrée de la zone et aucun d'entre eux n'était soumis à un contrôle au moment de partir, indique un rapport publié par le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale en 2007.

Coke, héroïne et khat

Le crime organisé est très actif dans l'importation de cocaïne. Cette drogue provient des Caraïbes et arrive souvent par avion à l'aéroport de Vancouver. Les gangs s'intéressent aussi à l'héroïne de l'Amérique latine qui, elle, entre au pays par l'aéroport de Toronto. De leur côté, les employés corrompus qui ne sont pas liés au crime organisé préfèrent le commerce du khat, la feuille d'une plante aux propriétés psychotropes.

Le khat est la drogue la plus saisie dans les aéroports canadiens, principalement à Toronto, Montréal et Ottawa, selon l'enquête de la GRC. Cette drogue provient du Royaume-Uni, où elle n'est pas interdite. «Cette tendance cadre avec la forte demande de khat dans ces trois régions du Canada où l'on trouve une plus grande concentration de communautés somaliennes, yéménites, éthiopiennes et kényanes», peut-on lire dans le rapport.

Ne vous leurrez pas, le commerce illégal du khat n'a pas surpassé celui de la cocaïne ou de l'héroïne, prévient la GRC. C'est que les chiens policiers dépistent facilement son odeur.