Lentement mais sûrement, les spécialistes de la lutte anti-mafia de l'Italie continuent de pister les milliards de dollars que des hommes d'affaires de ce pays et leurs acolytes d'un peu partout dans le monde étaient prêts à blanchir pour le compte de la mafia montréalaise. Dans le cadre de l'opération Orso Bruno, les policiers ont, cette semaine encore, bloqué quelque 5 millions$ en biens à Cattolica Eraclea, petit village de la Sicile qui a vu naître Nick Rizzuto et son fils Vito.

Dans un communiqué émis mercredi, les enquêteurs affirment avoir dépouillé de ses actifs - maison, auto, comptes bancaires, portefeuille d'action - Giuseppe Spagnolo, un commerçant en vin local qui a déjà tenté de se faire élire à la législature provinciale d'Agrigento. Soupçonné d'être de mèche avec la famille Rizzuto, Spagnolo est sous les verrous depuis l'an passé.

 

Arrêté lui aussi lors de l'opération Orso Bruno, le globe-trotter Beniamino Zappia, qui réside à Milan, s'est pour sa part fait saisir des propriétés qu'il possède à Cattolica Eraclea. Associé de longue date du clan Rizzuto, il est venu souvent à Montréal. Il est fiché à la GRC depuis le début des années 90. Durant l'enquête Colisée, de 2001 à 2006, il a notamment été vu à quelques reprises au café Consenza, lieu de rencontre des hauts dirigeants du clan Rizzuto, à Saint-Léonard.

«Quand ils font quelque chose... peu importe quand ils le font... ils apportent toujours quelque chose ici afin qu'il soit séparé entre nous cinq», lui a dit en toute confidence Rocco Sollecito, lors d'une de ses visites au petit café de la rue Jarry. Par ces mots, Sollecito lui expliquait comment les cinq pontes du clan se partageaient les profits provenant des activités illicites des membres de la rue. Sollecito, dont le fils Giuseppe, 42 ans, vient d'être arrêté pour une histoire de maison de jeu, est un homme de confiance du vieux parrain Nick Rizzuto. Âgé de 60 ans, Rocco Sollecito purge depuis peu une peine de quatre ans de pénitencier en marge de l'opération Colisée.

Le nom de Sollecito figure sur la liste des mafieux montréalais que les autorités italiennes souhaitent extrader afin de les juger pour leur participation à une affaire de lessivage de centaines et de centaines de millions$ d'argent sale, via une entreprise de promotion touristique dirigée par un certain Mariano Turrisi, à Rome. Les autres sont Vito Rizzuto, son père Nick, ainsi que Paolo Renda et Francesco Arcadi. De ces quatre chefs mafieux, Nick Rizzuto, 84 ans, est le seul en liberté.

En ce qui concerne Vito Rizzuto, les autorités italiennes ont récemment exprimé leur intention de demander son extradition directement aux États-Unis, où il est emprisonné pour les meurtres de trois «capos» de la famille Bonanno à New York, en 1981. L'enquête Orso Bruno révèle que Rizzuto gardait contact avec Turrisi, par personne interposée, pendant qu'il était écroué au Canada. En Italie, Vito Rizzuto est aussi visé par un mandat d'arrêt concernant «le projet d'investissement mafieux» de 8 milliards$ pour la construction du pont de Messine, en Sicile. Il est actuellement incarcéré au Colorado.