Des recherches en neurologie permettent d'étudier comme jamais les régions du cerveau mises à contribution pour les calculs financiers. Les neuroéconomistes comprennent beaucoup mieux l'angoisse qui nous ronge lors d'une crise économique. Au premier rang des coupables, l'incertitude. Pour diminuer le stress, on peut s'adonner à ses petits péchés gourmands, ou alors refaire sa planification financière. D'autres chercheurs, eux, ont découvert qu'en période de récession, la criminalité augmente. Les crises économiques ne touchent pas seulement le portefeuille. Elles frappent aussi le cerveau.

Peu importe la solidité du filet de sécurité sociale, les années de vaches maigres amènent une hausse de la criminalité. Cet effet est d'autant plus fort que les gouvernements ont tendance à diminuer les dépenses policières pour limiter les déficits.

Telles sont les conclusions de criminologues américains qui étudient la question depuis une dizaine d'années. Le Canada n'y échappera pas, malgré ses programmes sociaux et la relative rareté des armes à feu par rapport aux États-Unis.

«Ça peut paraître surprenant, mais la sécurité sociale, l'assurance chômage ou l'assurance maladie, par exemple, ne protègent aucunement contre les effets néfastes des crises sur la criminalité», explique Richard Rosenfeld, criminologue à l'Université du Missouri, qui a publié plusieurs études. «Le Canada vivra la même chose que les États-Unis. La seule différence, c'est que vous partez d'un taux de criminalité plus bas parce qu'il y a moins d'armes à feu en circulation.»

Le criminologue de Saint Louis a comparé les taux d'emprisonnement et de cambriolages de neuf pays européens et des États-Unis. À chaque cas, ils variaient de manière similaire en fonction de la santé économique. Aux États-Unis, le phénomène est encore plus marqué: depuis un demi-siècle, la criminalité y a toujours augmenté en temps de récession.

Pourquoi les programmes sociaux n'atténuent-ils pas les effets de la crise? Un autre criminologue, Bruce Weinberg, de l'Université d'État de l'Ohio, a une hypothèse: «Les gens qui sont les plus susceptibles d'être tentés par la criminalité parce qu'ils perdent leur emploi sont les jeunes hommes moins scolarisés, dit M. Weinberg. Ils n'ont généralement pas de problème de santé, alors l'assurance maladie n'a aucun impact sur eux. Les aides à la famille non plus. Et ce sont souvent des gens que les programmes gouvernementaux ont de la difficulté à atteindre.» Cet impact disproportionné des récessions sur la criminalité des jeunes hommes peu scolarisés a longtemps caché le phénomène, selon M. Weinberg. «Ce n'est que depuis une dizaine d'années qu'on a montré statistiquement la relation entre criminalité et économie, qu'on soupçonnait depuis longtemps. Si on prend des données pour la population entière, l'effet sur les jeunes hommes se perd.»

D'autres criminologues, comme M. Rosenfeld, ont réussi à établir ce lien en prenant des mesures différentes de l'activité économique. «Personnellement, j'utilise l'indice de confiance des consommateurs, et d'autres utilisent le revenu disponible, ou le PNB par habitant. Les études qui n'ont pas réussi à démontrer le phénomène utilisaient le taux de chômage, qui est trompeur parce qu'il faut aussi tenir compte du taux d'activité.»