Les corps policiers du Canada ont démantelé cette année le plus grand nombre de gros laboratoires clandestins de fabrication de drogues de synthèse, nommés «superlabs», de leur histoire.

Des producteurs de drogues de synthèse n'hésitent pas à installer leur laboratoire dans des quartiers résidentiels et même près de garderies. C'est ce qu'a révélé la Gendarmerie royale du Canada (GRC), hier, à la conférence sur le détournement de produits précurseurs et chimiques qui se déroule cette semaine à Québec.

«J'ai déjà vu des fabricants de drogues de synthèse jeter leurs déchets toxiques à 35-40 pieds d'une garderie», a raconté le caporal Raymond Martel, de la GRC, devant un auditoire formé d'une centaine de policiers, de fonctionnaires et de représentants de compagnies chimiques et pharmaceutiques.

«Cela montre à quel point les trafiquants sont sans scrupule», a ajouté la sergente Suzanne De Larochellière, de la Sûreté du Québec. Dans ces laboratoires clandestins, des chimistes du dimanche surnommés des «cooks» ou des «batcheux» mélangent des produits chimiques pour fabriquer de l'ecstasy et des méthamphétamines. Les risques d'explosion et d'incendie sont importants.

Au total, 37 «superlabs» ont été démantelés au pays, dont 24 en Colombie-Britannique, 7 au Québec et 6 en Ontario depuis janvier. «Pour un pays de 33 millions d'habitants, c'est énorme», a expliqué le caporal Martel. Ces laboratoires peuvent fabriquer en une seule production plus de 5 kg de drogues de synthèse.

Les fabricants de drogues de synthèse s'installent n'importe où: dans les grandes villes comme en région. Au Québec, on retrouve généralement de gros laboratoires et non des petits laboratoires artisanaux comme ceux qui pullulent aux États-Unis. Le fléau est tel que la Sûreté du Québec vient de créer deux équipes spécialisées consacrées à temps plein au démantèlement de ces laboratoires.

Le Canada «en vedette»

Le Canada est reconnu comme l'un des principaux pays producteurs de drogues de synthèse destinées à l'exportation, selon la GRC. Les bandes de motards, des groupes criminels asiatiques et la mafia russe en font le trafic. Ces groupes criminels sont à l'origine du détournement des produits précurseurs, comme la pseudoéphédrine et le phosphore rouge, essentiels à la fabrication de drogues de synthèse. Les précurseurs ont des usages légaux et sont détournés pour un usage illégal. Par exemple, la pseudoéphédrine est un ingrédient des sirops décongestionnants.

La GRC travaille en collaboration avec les industries chimique et pharmaceutique pour repérer les transactions suspectes de ces produits. «Des compagnies tout à fait légales ont beaucoup de pression du crime organisé pour leur vendre leurs produits», a expliqué le caporal Martel.

La demande de produits précurseurs en contrebande est aussi forte que pour la cocaïne et l'héroïne, selon le policier de la GRC. L'activité est lucrative. L'importation au Canada de 25 kg d'éphédrine coûte entre 2500 et 5000$ à son acheteur. Ce dernier peut revendre, toujours sur le marché noir, un kilo entre 1000 et 3000$.

Les produits précurseurs sont dissimulés dans des conteneurs en provenance de l'Asie (Chine, Inde, Corée-du-Sud et Vietnam) et de l'Allemagne. Ces produits arrivent surtout au port de Vancouver, mais depuis un an, la police commence à en voir entrer illégalement dans le port de Montréal.