Rien ne va plus entre les avocates d'Adil Charkaoui et la juge de la Cour fédérale Danielle Tremblay-Lamer. Tenues à l'écart d'une audience au cours de laquelle la magistrate les a accusées de vouloir «contrôler le processus de la Cour», les avocates ont demandé sa récusation, hier, lors d'une séance plutôt tendue.

Adil Charkaoui est un Montréalais d'origine marocaine visé par un certificat de sécurité, et qui est forcé de porter en tout temps un bracelet émetteur permettant de le retracer où qu'il soit.

 

Pour des raisons de sécurité nationale, la preuve détenue contre lui par le Canada ne lui a jamais été présentée, ni à lui ni à ses avocates. En février 2007, la Cour suprême a cependant jugé que cette situation viole de façon inacceptable les droits fondamentaux des personnes visées comme lui par un certificat de sécurité. En réponse, le gouvernement conservateur a créé un poste controversé d'«avocat spécial», chargé de consulter la preuve secrète et de contester son bien-fondé à la place du suspect et de ses avocats réguliers.

Or, dans l'affaire Charkaoui, une première audience téléphonique entre les avocats spéciaux nommés par le gouvernement et la juge Danielle Tremblay-Lamer a donné lieu à une prise de bec avec les avocates régulières de M. Charkaoui, Johanne Doyon et Dominique Larochelle. Cette conférence téléphonique, tenue le 2 octobre, n'était qu'une première prise de contact en vue d'éventuellement présenter la preuve secrète à huis clos aux avocats spéciaux. Mais, même s'il s'agissait d'une simple «question de cuisine», les avocates Doyon et Larochelle n'y ont pas été invitées, ni même informées de la tenue de l'audience.

Selon une transcription qu'elles ont obtenue après coup, la juge Tremblay-Lamer a affirmé que les deux avocates cherchaient à repousser la date de la divulgation de la preuve pour gagner indûment du temps. «Ce qu'elles font est de contrôler le processus de la Cour, ce qui est inacceptable», a alors dit la juge.

Voyant dans cette déclaration un manque de d'impartialité, les avocates ont demandé à la juge de se récuser. «Ces commentaires-là sont nettement désobligeants et c'est le genre d'information qui est de nature à nuire au travail qu'on tente de faire avec les avocats spéciaux», a tonné hier Me Doyon, d'un ton irrité, devant la juge Tremblay-Lamer.

La magistrate a mis la requête en délibéré.