Fini les discussions qui ne mènent à rien! Place aux recours judiciaires afin de mettre au pas les avocats qui émettent des significations par télécopieur, à l'encontre des tâches dévolues aux huissiers par le gouvernement du Québec. «Ce n'est pas une histoire d'argent, mais de respect de la profession», a souligné le président de la Chambre des huissiers de justice, Louis-Raymond Maranda.

Après des années à prêcher dans le désert, l'organisme représentant les 450 huissiers québécois a décidé d'intenter des poursuites pénales contre les avocats délinquants. Deux plaintes ont déjà été portées en Cour du Québec, cependant qu'une centaine d'autres sont à l'étude. Les deux avocats mis en cause sont accusés d'avoir enfreint la Loi sur les huissiers de justice.

Cette loi confère aux huissiers l'exclusivité des actes de procédure judiciaire comme la signification et l'exécution des décisions rendues par les tribunaux. «De plus en plus d'avocats ont pris l'habitude de signifier des requêtes par télécopieur. Ce qui pouvait passer pour une erreur de parcours il y a quelques années est quasi devenu un système, pour ne pas dire un fléau», déplore M. Maranda.

«Le plus choquant, c'est que les employés de l'État acceptent de se faire télécopier les documents, tout en sachant que cette pratique est illégale», fulmine le grand patron des huissiers. En agissant de la sorte, les avocats privent les huissiers de 7$ par signification. «Cela peut paraître banal de prime abord, mais c'est la principale activité des huissiers», de renchérir M. Maranda, qui se bat aussi pour obtenir une augmentation des tarifs de huissier décrétés par le gouvernement.

La grille de rémunération des huissiers est la même depuis 1998. «Les tarifs d'électricité, les tarifs de garde d'enfants, les tarifs de taxis ont été changés, mais pas les nôtres. Les hausses tarifaires, ça fait pourtant partie de la vie», de dire M. Maranda, en parodiant une récente déclaration du premier ministre Jean Charest. À l'appui de son propos, il rappelle qu'un chauffeur de taxi est payé 64$ pour une course de 15 km, alors que l'huissier touche 27,55$. «Ça n'a pas de bon sens. Il est temps qu'on ajuste notre rémunération en fonction du travail rendu», enchaîne-t-il.

L'exaspération est telle, selon M. Maranda, qu'«une majorité de firmes de huissiers» - on en compte 131 partout au Québec - menacent de ne plus souscrire au contrat de répartition des procurations émises par le ministère de la Justice. «On a l'impression que le gouvernement reconnaît notre existence simplement par conscience sociale. L'huissier est pourtant un rouage essentiel de la justice: c'est lui qui donne le coup d'envoi à un dossier et c'est lui qui exécute le jugement, en cas de non-respect», de dire M. Maranda, en rappelant l'importance de la neutralité des huissiers.

Depuis quatre ans, les représentants de la Chambre des huissiers ont multiplié les démarches auprès du ministre de la Justice Jacques Dupuis, mais rien ne bouge. Depuis son élection l'an passé, M. Maranda a lui-même eu un entretien avec le ministre et des hauts fonctionnaires de son bureau, ainsi qu'avec des juges, des avocats et les dirigeants du Barreau du Québec. «Tout le monde est conscient du problème, mais personne ne bouge. Il est temps de passer à l'action.»