Une silhouette noire appuyée sur le capot du fourgon cellulaire, les bras tendus en position de tir. C'est ce que le gardien de prison Robert Corriveau a vu, l'espace d'un instant, le matin du 8 septembre 1997. Après s'être «garroché dans le fond de l'autobus», il a été marqué par l'impact des balles sur son collègue Pierre Rondeau.

«À chaque impact, il gémissait», a raconté hier M. Corriveau, un agent des services correctionnels maintenant à la retraite. Miraculeusement sorti indemne de l'attentat, il a été le premier témoin au procès de Paul Fontaine, accusé de tentative de meurtre à son endroit, ainsi que du meurtre de l'agent Pierre Rondeau. Le 8 septembre 1997, ce dernier conduisait le fourgon cellulaire et M. Corriveau était assis à sa droite. Ils s'en allaient chercher des détenus au Centre de détention de Rivière-des-Prairies, comme ils le faisaient tous les jours. Ce matin-là, vers 6h30, à un arrêt obligatoire sur le boulevard Tricentenaire, le fourgon a été criblé de balles. La théorie de la Couronne est que Fontaine est l'un des tireurs, et Stéphane Gagné l'autre.

 

Si le procès a lieu si longtemps après les faits, c'est que Fontaine a été longtemps absent du paysage. Il a «disparu» en décembre 1997, en même temps qu'André Tousignant, peu après que Stéphane Gagné fut devenu délateur et que Maurice Boucher eut été arrêté. Le cadavre de Tousignant a été découvert en février 1998, une balle dans la tête. Le procureur de la Couronne, Me Randall Richmond, a raconté dans son discours d'ouverture que Fontaine a été arrêté le 27 mai 2004, dans la région de Québec, où il vivait sous une fausse identité. Au cours du procès qui doit durer jusqu'à la fin janvier, Me Richmond entend démontrer que l'attentat faisait partie d'un plan des Hells Angels. En faisant tuer des gardiens de prison (pris au hasard), le chef des Nomads, Maurice Boucher, voulait déstabiliser le système judiciaire et enrayer la délation en s'assurant le silence de ses hommes.

Outre Boucher, le complot réunissait Paul Fontaine et André Tousignant, deux «prospects» Nomads, ainsi que Stéphane Gagné, un «striker» Rocker (club-école des Hells). Tous voulaient monter dans l'organisation.

Gagné viendra témoigner au cours du procès. Il racontera comment Fontaine, son patron, l'a pressenti pour faire de la surveillance en mai et juin 1997 à Rivière-des-Prairies. «C'est un témoin très important, le seul témoin oculaire qui peut identifier Fontaine», a fait valoir Me Richmond.

Hier, après le témoignage de M. Corriveau, ce sont des policiers qui ont commencé à défiler à la barre. Le procès devant jury, qui se déroule au palais de justice de Montréal, est présidé par le juge Marc David. Me Carole Beaucage assure la défense de l'accusé.