André Bélec ne peut expliquer pourquoi il roulait à contresens sur le pont Le Gardeur, durant la nuit du 15 mai 2005, car il ne s'en souvient pas. Mais il assure que ce n'était pas une tentative de suicide.

C'est ce que l'homme de 36 ans a raconté, hier, alors qu'il témoignait pour sa défense, devant le juge Claude Leblond. Il est accusé de conduite dangereuse ayant causé la mort de David Saint-Germain et de David Lapointe, ainsi que des blessures à Martin Lapointe. Les trois victimes, toutes dans la vingtaine, étaient dans la Honda Civic que Bélec a percutée de face avec sa Sunfire rouge décapotable. La boîte noire de sa voiture a révélé qu'il roulait à 111 km/h une seconde avant l'impact, et que l'accélérateur était enfoncé à 95% de sa course.

 

Interrogé sur son passé, Bélec a admis hier que vers l'âge de 19 ans, alors qu'il avait perdu son emploi et que ça allait mal dans sa vie, il s'était tailladé les poignets avec un rasoir Bic. Ce n'était pas une vraie tentative de suicide, mais des égratignures pour attirer l'attention, assure-t-il. Une autre fois, en 2003, des proches ont pensé qu'il avait encore tenté de se suicider, cette fois en prenant des médicaments. Il s'est retrouvé aux urgences. Il assure qu'il n'avait pris que «quatre ou cinq Paxil» pour dormir.

Quoi qu'il en soit, il ressort du témoignage de Bélec qu'il avait accumulé beaucoup de frustration dans les heures précédant la collision. D'abord, en se présentant en fin de soirée au bar L'Enjeu, à Pointe-aux-Trembles, il a vu son ex-copine, Isabelle Durand, danser sur une chaise et flirter avec un gars. Même si leur rupture datait de plusieurs mois, il ne l'a pas accepté. D'autant plus qu'elle ne devait pas aller à cet endroit les fins de semaine où lui n'avait pas ses enfants, assure-t-il. Après avoir dit sa façon de penser à Isabelle Durand, il est parti.

La femme l'a rejoint et s'est assise dans sa voiture. Il a tout fait pour la faire descendre, jure-t-il. Il a même demandé à des policiers, qui ont ri de lui. Finalement, il s'est mis à rouler. Comme Isabelle Durand criait après lui et ne voulait pas s'attacher, il a freiné brusquement pour la forcer à boucler sa ceinture. Ces manoeuvres ont fait en sorte qu'en voulant se retenir au tableau de bord, la jeune femme a brisé la radio de Bélec, qu'il avait «payée 3000$». Là, il était fâché. Il a décidé de rouler, puis il a abandonné son ex-copine sur la 640, en pleine nuit, alors qu'elle n'avait ni manteau ni sac à main. Il affirme avoir été contraint de le faire parce qu'elle voulait se jeter en bas de la voiture. Presque tout de suite après, il a décidé de retourner chercher Isabelle Durand, car il ne «laisserait même pas un chien comme ça», dit-il. Mais ce faisant, il a vu la jeune femme monter dans une voiture sur l'autoroute. C'était réglé.

Un dernier souvenir

Bélec raconte être retourné à L'Enjeu, qui était sur le point de fermer. Il est resté un peu dehors, puis a repris le volant pour rentrer chez lui. Mais au lieu de tourner à gauche pour rentrer, il a décidé de rouler pour décompresser. «La chicane m'avait épuisé.» Il s'est engagé sur le pont Le Gardeur. Selon lui, il roulait à 60 km/h. «Je roule toujours à la limite permise ou 10 km en bas de la limite», dit-il. Dans son rétroviseur, il a vu une voiture derrière lui. C'est son dernier souvenir avant la collision.

Après, Bélec s'est réveillé à l'hôpital, où il prétend qu'une infirmière a voulu le tuer avec de la morphine. «Elle m'a dit: «Regarde, mon estie! Je vais te montrer ce que t'as fait.» Elle a ouvert un rideau, et il y avait Martin Lapointe sur une civière.»

Ce dernier est le seul survivant de la Honda, et il est resté handicapé.

Le lendemain, aux nouvelles, on parlait de Bélec. «Ils disaient que je roulais à une vitesse folle et que je voulais me suicider.» Il a pensé que c'était Isabelle Durand qui colportait ces mensonges, et il l'a appelée pour qu'elle cesse de dire ça.

Le contre-interrogatoire de Bélec se poursuit ce matin. Dans la salle, Martin Lapointe et les parents de ses deux amis qui ont péri dans l'accident semblaient abasourdis par certains passages du témoignage de l'accusé.