Dans une prison de Bordeaux aux prises avec un « problème de surpopulation », Michel Barrette aurait été battu à mort par trois codétenus pour quelques « malheureux » grammes de tabac. Gravement blessé, il serait resté dans sa cellule pendant plus de deux heures jusqu'à ce que le «représentant du comité de détenus», le coaccusé Tarik Biji, accepte finalement d'alerter les gardiens de prison.

C'est cette théorie qu'entend démontrer la poursuite pendant le procès de Tarik Biji, Garmy Guerrier et Jason Côté qui s'est amorcé lundi matin au palais de justice de Montréal. Les trois hommes sont accusés du meurtre prémédité de leur codétenu Michel Barrette, 46 ans, survenu le soir du 21 juin 2016 dans une cellule de la prison de Bordeaux. 

« Les trois accusés se sont entendus pour taxer M. Barrette, ils l'ont séquestré dans la cellule 203, ils l'ont conjointement roué de coups et ils l'ont laissé dépérir dans sa cellule jusqu'à ce qu'il soit trop tard de lui venir en aide... Tout ça pour quelques malheureux grammes de tabac, ne l'oublions pas », a affirmé le procureur de la Couronne, Me Louis Bouthillier, dans son exposé introductif.

La « convoitise » des détenus pour le tabac entre les murs de l'Établissement de détention de Montréal (prison de Bordeaux) est au coeur de ce procès. « Étant donné que le tabac est interdit, que le tabac est prisé, il y a une convoitise. Les personnes qui n'en ont pas et qui consomment, en veulent et sont prêtes à tout de sorte de choses pour pouvoir s'en procurer», a expliqué au jury Me Bouthillier. 

Ainsi, Michel Barrette détenait du tabac à son arrivée à la prison de Bordeaux un jour ou deux avant sa mort, selon la poursuite. « Il a fumé dans sa cellule. Évidemment, ça s'est su, ça sent. Les gens qui l'entouraient en ont voulu. Le comité de détenu s'en est mêlé. Barrette a été convoqué dans la cellule du représentant du comité de détenu, M. [Tarik] Biji. D'autres détenus l'attendaient, dont M. [Jason] Côté et M. [Garmy] Guerrier, et de 18h22 et 18h45, M. Barrette a été passé à tabac », a soutenu Me Bouthillier, toujours dans son exposé introductif.

La poursuite entend également expliquer au jury pendant le procès que les détenus de la prison fument des écorces d'oranges, des pelures de pomme, mais aussi du tabac, malgré l'interdiction de fumer à l'intérieur de la prison et dans la cour extérieure. « Certaines personnes, dont Michel Barrette, réussissent à cacher, lorsqu'ils entrent en prison, des quantités minimes, mais des quantités de tabac, pour leur consommation personnelle. Ils cachent ça dans leur cavité corporelle pour éviter la fouille», a indiqué Me Bouthillier. 

Une dizaine de témoins viendront témoigner pour la Couronne pendant le procès, dont deux détenus qui ont été témoins des évènements. Le «coloc» de cellule de la victime, Jean-François Émard (qui n'est pas le membre des Rock Machine), viendra ainsi raconter l'avoir vu se faire battre par les trois accusés, a ajouté Me Bouthillier. C'est aussi M. Émard qui serait intervenu pour aider son «coloc», alors qu'il était en détresse dans sa cellule.

Or, le coaccusé Tarik Biji l'aurait empêché d'alerter les gardiens de prison, selon la poursuite. Ainsi, c'est seulement à 21h05, plus de deux heures après l'agression que Tarik Biji aurait permis qu'on prévienne les gardiens. Quelques minutes plus tard, Michel Barrette s'est effondré et sa mort a été rapidement constatée.

Fracture au cou, blessures à la tête, fractures au sternum, multiples fractures aux côtes, poumon embroché par des côtes brisées, lacérations multiples à la rate : Michel Barrette aurait subi de graves blessures ce soir-là, selon la poursuite. Il serait mort d'une hémorragie interne.

Photo tirée de Facebook

Jason Côté, l'un des coaccusés