Un trou de deux mètres et demi de profondeur creusé devant une résidence de Lachine s'est transformé en piège mortel pour Gilles Lévesque, en avril 2012, lorsque les parois de la tranchée se sont effondrées. Mais cette mort tragique n'est pas qu'un simple accident de travail ; elle a été causée par la négligence criminelle de son employeur, Sylvain Fournier, selon la Couronne.

Dans la salle d'audience, la veuve de la victime essuie ses larmes, aux côtés de sa fille, alors qu'un policier présente des photos du visage tuméfié du défunt. Assis à l'autre bout de la salle, l'accusé de 48 ans écoute attentivement le témoignage, sans broncher. Plus de cinq ans après l'accident de travail qui a fauché la vie de Gilles Lévesque, le procès de l'entrepreneur en excavation Sylvain Fournier s'est ouvert, hier, au palais de justice de Montréal.

M. Fournier est accusé d'avoir commis un homicide involontaire et d'avoir causé la mort de Gilles Lévesque par négligence criminelle en « ne prenant pas les mesures nécessaires, alors qu'il dirigeait l'accomplissement d'un travail ou l'exécution d'une tâche ». Il est très rare qu'un accident de travail mortel mène au dépôt d'accusations criminelles.

Vers midi, le 3 avril 2012, l'entrepreneur spécialisé en excavation travaille avec son employé devant une résidence de la 54e Avenue, dans l'arrondissement de Lachine. Ils creusent alors une tranchée pour remplacer un tuyau d'égout d'une maison. Dans des circonstances qui n'ont pas encore été présentées au procès, les parois de la tranchée d'environ trois mètres de largeur s'effondrent. Gilles Lévesque est enseveli sous terre.

Or, l'accident aurait dû être évité, selon la poursuite. « Les parois d'excavation n'ont pas été étançonnées de façon conforme à la réglementation, et les matériaux sortis de l'excavation ont été posés trop près des parois de l'excavation », a soutenu Me Sarah Laporte dans son exposé introductif. La Couronne compte faire entendre 13 témoins.

SÉVÈRE TRAUMATISME CRÂNIEN

Enseveli, Gilles Lévesque n'a eu aucune chance. Il est mort d'un sévère traumatisme crânien, selon le pathologiste judiciaire Jean-Luc Laporte. Il n'est toutefois pas exclu que la victime ait pu survivre quelques minutes avant de manquer d'air, dit-il.

« Les chances de survie ne sont pas très grandes. C'est lourd, la terre », explique le lieutenant Daniel Castonguay, du Service de sécurité incendie de Montréal. Son équipe de pompiers spécialisés dans les opérations de sauvetage en tranchée ne descend jamais dans une tranchée avant de la sécuriser, soutient-il.

À son arrivée sur les lieux de l'accident, une demi-heure après le drame, Daniel Castonguay et son équipe se sont affairés au sauvetage de Sylvain Fournier. L'entrepreneur en construction se trouvait dans la tranchée, mais au-dessus de la masse de terre, à l'arrivée des pompiers spécialisés.

Il avait la jambe brisée, mais aucun membre n'était enseveli, selon le lieutenant Castonguay. C'est après le sauvetage de l'unique survivant que les pompiers ont extirpé le corps de la victime. Le procès se poursuit aujourd'hui.

Photo fournie par la famille de Gilles Lévesque

Plus de cinq ans après l'accident de travail qui a fauché la vie de Gilles Lévesque (notre photo), le procès de l'entrepreneur en excavation Sylvain Fournier s'est ouvert, hier, au palais de justice de Montréal.

PHOTO ALAIN ROBERGE, LA PRESSE

Sylvain Fournier, 48 ans, à son procès.