Avant même leur arrestation, le niveau de stress a monté entre Sabrine Djermane et El Mahdi Jamali, alors que le couple accusé de terrorisme cherchait à découvrir qui l'avait dénoncé à la police. C'est du moins ce que laisse croire une série d'échanges de textos déposée hier en preuve au procès des Montréalais.

Précisons d'entrée de jeu que si les accusés admettent que les téléphones en question leur appartiennent, rien ne prouve à ce stade que ce sont eux qui ont rédigé les messages compromettants.

« Yo Sabrine croit moi, c'est ta mère. »

Le texto, envoyé du téléphone de Jamali à celui de Djermane quelques heures à peine avant leur arrestation, le 14 avril 2015, a été présenté hier au jury. Il fait partie d'une série de conversations dans lesquelles les deux interlocuteurs tentent de déterminer qui les a dénoncés à la Gendarmerie royale du Canada (GRC).

Quelques jours plus tôt, le couple a reçu tour à tour la visite d'enquêteurs de l'équipe intégrée à la sécurité nationale de la GRC. Plusieurs de leurs proches ont aussi été interrogés. La famille Djermane a même tenu une réunion d'urgence.

On a dit aux suspects qu'une plaignante anonyme s'inquiétait pour eux. En vérité, c'est une des soeurs de Sabrine qui avait pris contact avec la police.

À l'époque, les suspects ne le savent pas.

Le garçon soupçonne la mère de sa copine. Plus d'une fois dans les échanges de textos, il invite la jeune femme à envisager cette possibilité, ce qu'elle refuse catégoriquement de faire.

« Ma famille c'est pas des rats. »

Dans un autre échange, qui a aussi eu lieu après la visite de la police, les deux interlocuteurs prennent des nouvelles l'un de l'autre. « Comment sa s'passe, demande-t-il. Explique-moi tout. » Puis plus tard : « Ils m'ont dit, on va consulter un avocat. »

Le 13 avril, le téléphone de Sabrine envoie à une personne identifiée comme « papi » dans sa liste de contacts un long message d'excuses.

« J'vous aime tellement. Je regrette d'être partie. J'ai fais plein d'erreurs. Je vous demande pardon. Je rentre aujourd'hui à la maison si Dieu le veut. On va parler et on va tout arranger. Je vous aime. J'ai une seule famille et j'y tiens vraiment. »

Rappelons que la jeune femme avait quitté le domicile familial quelques semaines plus tôt pour prendre un appartement.

Faire une bombe dans la cuisine

Depuis le début du procès, la Couronne a fait entendre plusieurs témoins qui ont raconté qu'une recette manuscrite de bombe artisanale et des ingrédients ont été découverts aux domiciles des suspects dans le cadre de perquisitions. Hier, une analyste en renseignements de la criminalité de la GRC a fourni de nouveaux détails.

Geneviève Coulombe a raconté comment elle a trouvé, dans un ordinateur saisi au domicile de la famille Jamali, plusieurs photos et captures d'écran qu'elle croit directement tirées du magazine Inspire publié par le groupe terroriste Al-Qaïda.

Certaines de ces images sont des copies exactes d'éléments tirés d'un article intitulé « How to make a bomb in the kitchen of your mom » (comment fabriquer une bombe dans la cuisine de votre mère).

On y voit un cadran avec des fils électriques, des morceaux de tuyau, des clous, etc.

Dans le magazine, aussi déposé en preuve, Al-Qaïda donne des indications précises pour « causer une explosion dommageable ».

Des dizaines de photos de l'EI

Geneviève Coulombe a analysé le téléphone cellulaire d'El Mahdi Jamali ainsi qu'une tablette et l'ordinateur saisi chez ses parents. Elle a montré hier au jury des dizaines de photos récupérées dans les appareils, dont plusieurs montrent des drapeaux ou des logos du groupe armé État islamique ou des combattants au visage caché et munis d'armes longues.

L'analyste a aussi ciblé une photo d'un véhicule de la GRC à côté duquel se tiennent deux policiers, image qu'elle jugeait pertinente pour l'enquête.

Ont aussi été dévoilées : des photos de Michael Zehaf-Bibeau, auteur de l'attentat d'Ottawa contre le parlement, de John Maguire, un Ontarien qui a rejoint les rangs de l'EI et qui a enregistré une vidéo de propagande pour le groupe, d'otages exécutés par l'EI, d'un membre influent d'Al-Qaïda et d'un homme impliqué dans l'attaque contre le journal français Charlie Hebdo.