La haute direction de la Sûreté du Québec (SQ) aurait utilisé son fonds secret de dépenses spéciales d'opérations pour verser illégalement des indemnités de départ à deux hauts gradés, à l'abri de toute reddition de comptes, parce qu'elle savait que ceux-ci n'y avaient pas droit.

C'est ce que la Couronne a dit vouloir prouver, mardi, à l'ouverture du procès pour fraude, abus de confiance et vol de trois ex-hauts dirigeants de la Sûreté du Québec (SQ), au palais de justice de Montréal.

Le procès de l'ex-directeur général du corps policier, Richard Deschesnes, de Steven Chabot, qui était directeur adjoint aux enquêtes criminelles jusqu'à sa retraite en 2010, et d'Alfred Tremblay, inspecteur aux renseignements de sécurité aussi retraité, doit durer jusqu'à la fin de mai. La Couronne prévoit faire entendre 16 témoins.

Les accusations sont liées au versement présumé d'indemnités de départ aux policiers Chabot et Tremblay, puisées dans un fonds secret dédié aux opérations policières et qui sert notamment à rémunérer des informateurs.

«Les dépenses secrètes d'opération échappent au mécanisme de reddition de comptes, et c'était à la connaissance des accusés», a affirmé d'entrée de jeu le procureur au dossier, Me Antoine Piché.

Selon la poursuite, Steven Chabot aurait reçu un montant de 167 931 $, alors qu'Alfred Tremblay aurait obtenu un montant de 79 877 $.

L'enquêteur Michel Marsan, qui avait été recruté au sein d'une unité spéciale mise sur pied par le ministère de la Sécurité publique à la suite d'allégations visant les suspects, a présenté des copies des deux chèques correspondants à ces montants, faits le 17 mars 2010 au nom des policiers Chabot et Tremblay, versements qui avaient été approuvés par le directeur Deschesnes.

Il a également présenté des relevés bancaires indiquant que les deux policiers avaient déposé ces sommes dans les jours suivants. Fait à noter, Steven Chabot avait encaissé le chèque de 167 931 $ le 19 mars et, le même jour, avait fait un chèque de 68 050,02 $ à un concessionnaire automobile Infiniti.

L'enquêteur Marsan a également indiqué avoir découvert, lors d'une perquisition chez M. Deschesnes en avril 2013, des «ententes de terminaison d'emploi» pour les policiers Chabot et Tremblay.

«On a tenté de légitimer ou de justifier ces versements par une terminaison d'emploi», avait d'ailleurs soutenu Me Piché dans sa déclaration d'ouverture.

Les trois accusés ont échoué la semaine dernière dans leur tentative d'obtenir un arrêt des procédures.

Accusés en janvier 2014, les trois hommes invoquaient des délais excessifs, s'appuyant sur l'arrêt Jordan de la Cour suprême, mais leur requête a été rejetée pour des motifs qui restent à être exposés par le tribunal.

Un quatrième policier, l'ex-directeur adjoint aux enquêtes criminelles Jean Audette, est également accusé dans cette affaire, mais il subit un procès séparé sous des accusations similaires.