Jeanne l'admet sans détour: à quinze ans, elle était amoureuse de Bertrand Charest, et elle se sentait en compétition avec une autre skieuse à qui l'entraîneur de ski accordait beaucoup d'attention, au début des années 90.

«Pour me placer en premier, je devais essayer d'attirer plus son attention, Comment? En travaillant plus fort pour avoir de meilleurs résultats et passer plus de temps avec lui, et en lui envoyant des lettres.»

C'est ce que Jeanne (nom fictif) a expliqué, jeudi, alors qu'elle témoignait de nouveau au procès de Bertrand Charest. L'ex-skieuse a été interrogée par la Couronne la semaine dernière, mais le contre-interrogatoire avait été remis à plus tard. Ceci parce que, en fouillant dans ses affaires, Jeanne a retrouvé le journal personnel qu'elle tenait en 1995. 

«Je ne l'avais pas lu depuis 25 ans», a-t-elle dit. Elle a aussi retrouvé des lettres qu'elle a reçues ou écrites à M. Charest à l'époque, dont certaines qu'elle ne lui avait jamais envoyées. La défense avait besoin de temps, pour prendre connaissance de tout cela, d'autant plus que Jeanne ne demeure pas dans la région et témoigne par le biais de la vidéoconférence.

Jeudi, donc, Me Antonio Cabral a questionné Jeanne sur certains passages de lettres qu'elle et M. Charest se sont échangées. «Salut, excuse-moi si je n'écris pas ton nom, mais je suis dans l'autobus pour Toronto, m'as tu oubliée? J'ai l'impression que oui. Tu avais dit que tu m'appellerais, tu ne l'as pas fait. Quand je t'ai appelé, j'ai eu l'impression de te déranger», avait écrit Jeanne, notamment. L'avocat tentait de faire ressortir que c'est Jeanne qui courait après M. Charest, et que celui-ci tentait de la décourager, et lui faire comprendre qu'elle était trop jeune pour lui. 

«Oui, il me l'a dit une couple de fois dans ses lettres», a admis Jeanne. 

«Dans ses actions, il essayait de vous le dire», a suggéré aussi Me Cabral. Ce à quoi Jeanne a répondu: «Je ne me souviens pas de façon concrète qu'il me repoussait.»

Selon le témoignage de Jeanne, M. Charest lui disait qu'elle avait un corps de déesse, l'a questionné sur ses relations personnelles, notamment avec son copain de l'époque, lui aurait dit qu'il aurait aimé avoir l'âge de ce garçon pour sortir avec elle, l'a embrassée passionnément sur la bouche, lui aurait dit qu'elle faisait battre son coeur... 

En ce qui concerne les lettres, il appert que M. Charest entretenait une volumineuse correspondance avec ses athlètes. Il en a envoyées, et il en a reçues, et les a conservées. Ces lettres sont déposées en preuve, sous scellées, ce qui les rend inaccessibles au public.

Dernier témoin de la Couronne

Le procès de M. Charest franchira une étape vendredi, alors que la Couronne présentera son dernier témoin. Il s'agira de la douzième plaignante.

Rappelons que M. Charest est jugé sous 57 accusations de crimes de nature sexuelle à l'égard de 12 skieuses de haut niveau qu'il a entraînées dans les années 90. Les jeunes filles avaient entre 12 et 19 ans.

On a appris, jeudi, que M. Charest présentera des témoins en défense, mais on ignore lesquels pour le moment. La défense devrait commencer lundi.

Il est à noter que le sexologue Mario Côté-Larivée a assisté à tout le procès, pour le compte de la défense.