La vidéo montre un bambin joufflu en tenue de camouflage de type militaire, version miniature. Une voix de femme l'encourage à prendre une arme à feu déposée sur le sol. Le garçon, qui n'a même pas l'âge d'aller à l'école, s'exécute et pointe le fusil vers la caméra.

L'enfant est vraisemblablement celui du suspect de terrorisme montréalais Ismaël Habib et de sa femme, Romaissa Hammouya, elle aussi Montréalaise.

La vidéo a été diffusée hier au palais de justice dans le cadre de la huitième journée du procès de Habib. Pour une très rare fois, nous voilà témoins d'une tranche de vie d'un enfant canadien vivant en territoire sous la coupe du groupe armé État islamique.

La vidéo a été découverte par la police dans le téléphone cellulaire de la belle-mère du suspect, la mère de Romaissa, au début de l'année 2016. L'accusé venait alors tout juste d'être arrêté.

Selon la transcription déposée en preuve par la Couronne, la voix de femme est celle de Romaissa. Leur fils, aujourd'hui âgé de 3 ans, est né à Montréal.

Sa mère l'aurait amené en Syrie, probablement en territoire contrôlé par l'EI, avec sa soeur Nossaiba, quelque part en 2015. Tout porte à croire que c'est là que les images du garçon et du fusil ont été captées.

Comme le ferait n'importe quel enfant de son âge, il joue avec des cailloux par terre et essaie d'attraper la caméra qui le filme. Puis sa mère l'encourage à ramasser sur le sol une arme de poing, qui pourrait aussi être un jouet ou une réplique. Il hésite avant de s'exécuter.

Habib, qui n'a pas vu ses enfants depuis leur départ pour la Syrie, disait beaucoup s'ennuyer d'eux, dans des conversations écrites avec sa femme elles aussi saisies par la GRC.

Il a d'ailleurs paru très ému, hier, dans le box des accusés, lorsqu'il a vu les images de son fils.

Peu avant son arrestation, il réclamait à sa femme des photos des petits. « Tu sais pas à quel point je m'ennuie de vous », écrivait-il.

«J'aime le djihad plus que tout»

Depuis mardi, un policier de la GRC, qui a analysé le contenu des ordinateurs et autres appareils électroniques saisis chez Habib au fil de plus de deux années d'enquête, a raconté que l'accusé avait fait plusieurs recherches sur la manière de quitter le pays illégalement, sur la façon de respirer dans un conteneur ou sur la sécurité de plusieurs ports maritimes de la province.

Habib aurait aussi discuté et lu maintes fois sur le djihad et le groupe armé État islamique.

« J'aime le djihad plus que tout », lit-on dans une conversation sur le service de messagerie Skype de l'ordinateur de Habib, entre un homme dont le pseudonyme est Stephen.leclair (nom utilisé par Habib) et une Suédoise.

L'interlocuteur raconte qu'il se trouve en Syrie. Il courtise la femme pour qu'elle devienne sa femme. À l'époque, il est déjà marié une première fois. Rappelons qu'Ismaël Habib a confié à un agent double de la GRC avoir passé trois mois à faire le djihad en Syrie en 2013. La conversation semble se situer à cette époque.

Il y confie qu'il se bat avec un groupe djihadiste pour établir la loi islamique. Elle demande s'il lui donnera une AK-47. Il répond que oui.

La police a aussi mis la main sur une série de photos dans un ordinateur saisi lors d'une perquisition secrète, effectuée en pleine nuit l'année dernière dans l'appartement du suspect.

On y voit plusieurs clichés d'Ismaël Habib, tantôt la tête couverte d'un tissu, tantôt portant un chandail avec une inscription de la shahâda, la profession de foi du musulman : « Il n'y a pas d'autre divinité que Dieu, et Mohammed est le messager de Dieu. »

La police n'a pas précisé où les photos avaient été prises, mais Habib est en compagnie de son beau-frère, avec qui il s'est rendu en Syrie. Ce dernier porte un gilet pare-balles et semble équipé pour le combat.

Habib porte de son côté un couteau à la taille.