En juin 2010, l'entreprise SOGEP était le plus bas soumissionnaire conforme pour la gérance du nouveau complexe sportif de Notre-Dame-de-Grâce. Mais pour remporter la mise, il fallait faire un «effort politique» de 25 000 $, sinon ça ne serait pas présenté au conseil municipal. SOGEP a fini par acquiescer.

«J'ai remis l'argent à Hugo Tremblay en cinq à dix versements, dans des enveloppes, entre juillet et décembre 2010», a raconté l'ingénieur Patrice Laporte, qui témoignait ce matin au procès de Michael Applebaum. Ce dernier, ex-maire de l'arrondissement Côte-des-Neiges et Notre-Dame-de-Grâce, qui fut aussi maire par intérim de Montréal, est jugé sous des accusations de corruption, abus de confiance, complot et fraude contre le gouvernement. Le principal témoin à charge contre M. Applebaum est Hugo Tremblay, qui fut son attaché politique et chef de cabinet entre 2006 et 2012. M. Tremblay a affirmé cette semaine que c'est M. Applebaum qui l'avait initié à la corruption et qui lui avait tout montré. Le présent procès a trait à deux événements distincts, impliquant deux entreprises différentes. L'incident impliquant M. Laporte est le second. 

En 2010, M. Laporte était directeur général chez SOGEP, une filiale de Dessau. Il était à  l'affut des opportunités. La gérance du nouveau complexe sportif en était une. Il se souvient avoir dîné en septembre 2009, avec M. Applebaum, M. Tremblay, et Claude Asselin, de chez Dessau. À la fin du repas, M. Laporte a demandé à M. Applebaum si la gérance du nouveau centre sportif allait être donnée au privé, ou assumée par les employés de la Ville. M. Applebaum a répondu qu'il n'en était pas certain et qu'il devait vérifier. Au bout de quelques mois, M. Laporte a su que ce serait accordé au privé, et il a soumissionné. 

En juin 2010, M. Tremblay appelle M. Laporte et lui dit qu'il est le plus bas soumissionnaire conforme. «Il m'a dit: ''vous êtes la meilleure solution, on est prêt à vous recommander. Mais Michael ne portera pas le dossier au conseil de ville, si l'entente avec M. Asselin n'est pas respectée''», a relaté M. Laporte. L'entente avait trait au fameux effort politique de 25 000 $. 

M. Laporte dit avoir été bouleversé par cet appel. Le projet était important pour l'entreprise, a-t-il dit. Il en a parlé à son patron, Rosaire Sauriol, qui a finalement décidé d'acquiescer à la demande. M. Laporte se demandait comment ils allaient faire. M. Sauriol a décidé de verser des bonis de 25 000 $ à M. Laporte, ainsi qu'à un autre employé (Trudeau.) Une fois l'impôt enlevé, il leur restait chacun 12 500 $. Ils allaient retirer cet argent en argent comptant, pour payer la somme réclamée. 

Plusieurs versements

M. Laporte dit avoir remis l'argent en plusieurs versements à M. Tremblay. Cela se faisait toujours discrètement, dans une voiture, un café, ou un restaurant. Il croyait que c'était pour la parti Union Montréal. En réalité, selon le témoignage de M. Tremblay, l'argent était séparé entre lui et M. Applebaum.

En mai 2013, M. Laporte a appris que les policiers voulaient le rencontrer. IL ne serait pas accusé s'il collaborait. Il a accepté de rencontrer les policiers et a parlé. 

En juin 2013, M. Applebaum a été arrêté et accusé, et le nom de M. Laporte a été divulgué. M. Laporte était frustré, car, dit-il, ça sortait tout croche dans les médias. Il a perdu son emploi chez Dessau. Cela lui a aussi amené des problèmes avec l'Ordre des ingénieurs. Il a finalement été radié pour six mois, en septembre dernier. Il en veut à Hugo Tremblay. 

«S'il ne m'avait pas appelé, ça ne serait pas arrivé», a-t-il dit.

Questionné par l'avocat de la défense Pierre Teasdale, le témoin a dit qu'il n'avait jamais comploté avec M. Applebaum. La seule fois qu'il l'a vu, c'était au restaurant, lors de la première rencontre.

Rappelons que M. Tremblay a affirmé lors de son témoignage que c'est de son propre chef qu'il avait demandé 25 000 $ comme «effort politique». Selon ses dires, il en a donné la moitié à M. Applebaum.