Djemila Benhabib ne renie pas ce qu'elle a dit à propos des Écoles musulmanes de Montréal en 2012. Si c'était à refaire, elle referait l'entrevue, parce que «c'est pertinent et il faut en parler». Elle concède cependant qu'elle aurait dû dire quelques phrases à l'intention des «personnes» de ces écoles, car elle n'a jamais voulu les blesser.

«Je suis dans la critique d'idées, pas de personnes», a dit Mme Benhabib, qui témoigne aujourd'hui pour sa défense, dans le procès en diffamation que lui ont intenté les Écoles musulmanes de Montréal. Un procès qui lui coûte cher a fait remarquer l'auteure de Ma vie à contre-Coran

«Ça fait quatre ans que ça dure. J'aime bien les idées, mais c'est quand même chèrement payé», a dit Mme Benhabib, qui témoigne avec aplomb et conviction.  

On reproche à Mme Benhabib les propos qu'elle a tenus lors d'une entrevue menée par Benoît Dutrizac sur les ondes du 98,5, le 8 février 2012. Cette entrevue faisait suite à un blogue qu'elle avait publié le jour même dans le Journal de Montréal, et qui avait pour sujet l'aspect religieux des Écoles musulmanes de Montréal. Elle s'était basée sur un dépliant publicitaire et le site web de l'école pour faire sa critique. 

Elle a étayé ses propos au cours de l'entrevue avec M. Dutrizac. Elle a dénoncé le sexisme, le port du voile obligatoire pour les filles, le fait que de jeunes enfants devaient mémoriser des versets coraniques qui étaient «misogynes et violents...»  Elle y voyait un endoctrinement «digne d'un camp militaire en Afghanistan et/ou au Pakistan, en fait je veux dire il n'y a pas une grande différence à mon avis entre l'endoctrinement qu'on fait dans ces écoles à Montréal ou les écoles que ce soit au Pakistan ou en Afghanistan», avait-elle dit.

Mme Benhabib a expliqué son raisonnement ce matin. Elle-même est de culture musulmane. Elle a vécu pendant de nombreuses années en Algérie avec ses parents. Jeune, elle devait mémoriser le Coran à l'école et en garde un mauvais souvenir. Par contre, il n'y avait pas de voile pour les femmes ni de prière obligatoire. La famille a fui en 1994, à cause de la montée de l'intégrisme et s'est installée en France. Mme Benhabib est arrivée au Canada en 1997, et a obtenu un statut de réfugiée politique. Elle a occupé des emplois à l'INRS, au gouvernement, a été journaliste, auteure, professeur, conférencière...  Elle refuse l'intégrisme, «qui consiste à se soumettre à un dogme, ne pas accepter l'évolution, refuser la modernité.» 

Toutes ces réclamations à caractère religieux la dérangent. Elle considère que c'est un bris de l'universalité dans un pays qui a pris ses distances avec la religion. 

«C'est à la religion de s'adapter à la modernité, ce n'est pas l'inverse», a-t-elle dit.

Les images du dépliant et du site de l'école montraient des jeunes filles voilées, alors que les garçons étaient comme tous les autres petits garçons. 

Son avocat, Me Marc-André Nadon, a voulu connaître son opinion sur l'Islam.

«Je suis de culture musulmane, j'en suis fière. Mes origines ne m'empêchent pas d'être une femme libérée, une Québécoise émancipée. Ma culture n'est pas aliénation. Tout ce qui est aliénation n'est pas culture.»

Cet après-midi, Mme Benhabib sera interrogée par l'avocat des Écoles musulmanes, Me Julius Grey. Les Écoles réclament 95 000 $ en dommages pour les propos de Mme Benhabib. Le procès est présidé par la juge de la Cour supérieure Carole Hallée.