L'ancien animateur-vedette de CBC Jian Ghomeshi a présenté ses excuses, mercredi, à une ex-collègue qui l'accusait de l'avoir agressée sexuellement au travail. Celle-ci demeure malgré tout amère face à lui et ceux qui, dit-elle, lui ont permis d'avoir ce comportement obscène et choquant.

S'exprimant publiquement pour la première fois depuis l'éclatement du scandale, en 2014, Jian Ghomeshi a lu un texte que son avocate a décrit comme n'étant «ni une admission ni un plaidoyer».

«J'ai dû faire face à mon propre regret et à mon embarras», a dit l'homme de 48 ans dans sa déclaration qui a duré deux minutes.

«Je regrette mon comportement au travail de tout mon coeur et j'espère pouvoir obtenir le pardon de ceux que mes gestes ont tellement ébranlés.»

L'ancien animateur de la populaire émission Q a qualifié son comportement à l'endroit de la plaignante, Kathryn Borel, d'irréfléchi, sexuellement inapproprié, dégradant et d'abus de pouvoir en raison de son statut de célébrité.

Il affirme qu'il réalise maintenant qu'il n'avait pas compris à quel point son comportement l'avait blessée.

Après que M. Ghomeshi eut signé un engagement à ne pas troubler la paix pendant un an, le procureur a retiré l'accusation d'agression sexuelle pour laquelle il devait subir un procès le mois prochain.

À l'extérieur du tribunal, Mme Borel, qui a demandé que soit levée l'interdiction de publication empêchant les médias de dévoiler son identité, ne s'est pas montrée tendre envers Jian Ghomeshi et le diffuseur public pour lequel ils travaillaient tous les deux.

«Tous les jours, pendant trois ans, M. Ghomeshi m'a clairement fait savoir qu'il pouvait faire ce qu'il voulait avec moi et avec mon corps, a-t-elle déclaré. Il m'a fait clairement savoir qu'il pouvait m'humilier à répétition et s'en sortir impunément.»

Au moins trois incidents documentés d'attouchements non désirés, incluant celui pour lequel il a été accusé, seraient survenus, selon Mme Borel. Au cours de l'incident soulevé dans la poursuite, qui serait survenu en 2008, Jian Ghomeshi se serait placé derrière elle, l'aurait agrippée par les hanches et aurait «poussé son bassin contre (son) dos encore et encore, simulant une relation sexuelle», a-t-elle déclaré.

Mme Borel a réservé certains de ses commentaires les plus critiques pour le diffuseur public, qui a finalement congédié M. Ghomeshi plusieurs années plus tard.

«Lorsque je me suis tournée vers CBC pour obtenir de l'aide, ce que j'ai reçu a été une directive indiquant que oui, il pouvait faire ça et que oui, c'était mon travail de le laisser faire», a-t-elle déclaré.

«Le message constant que j'ai reçu de mon célèbre patron et de l'institution nationale pour laquelle nous travaillions était que ses caprices étaient plus importants que mon humanité et ma dignité.»

Dans une note transmise à tout le personnel, le président de CBC/Radio-Canada, Hubert Lacroix, a dit regretter que «ce type de comportement se soit produit» sur les lieux de travail.

«Nous croyons également qu'il est important de ne pas perdre de vue le progrès que nous avons fait pour permettre de bâtir un lieu de travail plus sécuritaire et plus respectueux.»

Kathryn Borel, qui a quitté CBC en raison des incidents et qui travaille maintenant en Californie, a dit avoir accepté les excuses de Jian Ghomeshi, qu'elle voit comme «la voie la plus claire vers la vérité», puisqu'elle estime qu'un procès lui aurait permis de continuer à nier sa culpabilité.

Elle a noté qu'il ne s'était excusé qu'auprès d'elle et non auprès des autres femmes qui l'ont accusé de les avoir frappées, étranglées et étouffées.

«Nous voulons tous que ce soit terminé, mais ce ne le sera pas tant qu'il n'aura pas admis tout ce qu'il a fait», a-t-elle dit.

En mars, Jian Ghomeshi avait été acquitté des accusations d'agressions sexuelles et de tentative d'étouffement portées contre lui par trois autres plaignantes. Il a toujours affirmé qu'il n'avait rien fait de mal et avait plaidé non coupable.

L'engagement de ne pas troubler l'ordre public, qui est généralement utilisé dans des cas de violence conjugale, est une disposition du Code criminel qui permet aux autorités d'imposer des conditions à un individu, qui promet d'adopter un bon comportement. Jian Ghomeshi s'est ainsi engagé à ne pas s'approcher de Kathryn Borel et à ne pas posséder d'arme.

PHOTO MARK BLINCH, PC

Kathryn Borel