Deux Ontariens pourraient bientôt récupérer leur trophée de chasse, près de cinq ans après leur safari en Tanzanie. Le taxidermiste qui avait organisé leur voyage a écopé hier à Montréal d'une amende de 5000$ pour avoir tenté d'importer quatre défenses d'éléphant sans avoir obtenu le permis requis. Retour sur la première saisie de cette ampleur en 10 ans au Canada.

Un voyage à 150 000$

Marek et Peter Sikorski ont chacun tué un éléphant lors de leur safari en Tanzanie, en 2011, un voyage qui a coûté quelque 150 000 $, dont le tiers uniquement pour payer le permis de chasse. Les deux touristes fortunés, respectivement fondateur et directeur de Sikorski Sausages, une entreprise de transformation alimentaire de London, en Ontario, ont voulu rapporter les oreilles, la peau et les défenses des pachydermes, mais ces dernières ont été interceptées à leur arrivée à l'aéroport de Montréal, en avril 2011. Le taxidermiste qui avait organisé cet aspect de leur voyage, Cyril D'Souza, n'avait pas obtenu le permis d'importation requis de la part des autorités canadiennes. Son entreprise, Out of Africa Taxidermy & Safari Operators, établie à Mount Albert, en Ontario, a reconnu sa culpabilité dans cette affaire, hier, au palais de justice de Montréal.

Animal menacé

« C'est un détail technique », a affirmé Peter Sikorski lorsque La Presse l'a joint, hier. Il a expliqué que le permis d'exportation de la Tanzanie avait été délivré avant le permis d'importation au Canada, ce qui n'aurait pas dû être le cas. Bien que l'éléphant soit une espèce menacée de disparition - il en reste moins d'un demi-million en Afrique et le nombre de bêtes tuées dépasse le nombre de naissances -, il est toujours permis de le chasser dans certains pays. « On fait beaucoup d'activités de conservation là-bas », s'est défendu Peter Sikorski, sans entrer dans les détails. « La chasse légale est un élément clé de la protection des animaux », a-t-il ajouté. « Les gens devraient s'informer avant de juger. »

Une chasse non éthique

Même légalement, chasser des éléphants n'est « pas éthique », estime Sheryl Fink, de la section canadienne du Fonds international pour la protection des animaux, qui souligne que les préoccupations ne se limitent pas à la diminution de leur nombre. « Les éléphants sont des animaux très sociables, explique-t-elle, et quand on enlève de gros mâles de la population, ça cause une perturbation importante dans leur famille et dans leur groupe social que nous commençons à peine à comprendre. » Elle note toutefois que le fait de chasser des animaux en danger comme l'éléphant et le lion commence à être de moins en moins accepté socialement.

Une saisie rare

L'interception de ces quatre défenses d'éléphant est « la première saisie de défenses entières réalisée depuis près de 10 ans » au pays, a indiqué dans un courriel à La Presse Natalie Huneault, porte-parole d'Environnement et Changement climatique Canada, le ministère chargé de l'application de la Convention sur le commerce international des espèces de faune et de flore sauvages menacées d'extinction (CITES). De plus petites quantités d'ivoire sont cependant saisies quelques fois par année, mais « normalement, il s'agit de bijoux ou de petites sculptures », précise Mme Huneault.

Amende de 5000$

L'entreprise de M. D'Souza a été condamnée à une amende de 5000 $ et dispose maintenant d'un an pour obtenir le permis d'importation requis, faute de quoi l'État disposera des quatre défenses d'éléphant. « C'est un jugement qui tient compte de la participation de l'accusé dans cet événement », a indiqué à la sortie de l'audience le procureur de la Couronne, Me Philippe Viau-Dupuis. L'amende maximale prévue dans un tel cas est de 50 000 $, mais Me Viau-Dupuis souligne qu'il n'était pas ici question de braconnage, les animaux ayant été chassés légalement. D'ailleurs, si l'entreprise de M. D'Souza avait demandé le permis d'importation comme le prévoit la procédure, elle l'aurait normalement obtenu.

Perte de valeur

La conclusion de cette affaire intervient alors que les efforts menés dans le monde pour éliminer le commerce illégal de l'ivoire commencent à porter leurs fruits. « Nous voyons le prix de l'ivoire couler », a affirmé hier le secrétaire général de la CITES, John Scanlon, en marge d'un sommet consacré au commerce illégal d'animaux, en Suisse. L'organisation Sauver les éléphants, établie au Kenya, rapportait d'ailleurs en décembre que le prix de l'ivoire brut en Chine, où des mesures pour réduire le commerce légal et illégal de l'ivoire ont été prises récemment, avait été divisé par deux au cours des 18 derniers mois, chutant de 2900 $ à 1500 $ le kilo.

- Avec l'Agence France-Presse