Pour avoir demandé un pot-de-vin de 90 000 $ à un restaurateur montréalais en échange d'une réduction de taxes, il y a 11 ans, Francesco Fazio pourrait maintenant aller en prison. La Couronne propose d'envoyer l'ex-fonctionnaire de l'Agence de revenu du Canada à l'ombre pour trois ans.

« La cupidité était son seul motif. Un tel geste doit être dénoncé et servir d'exemple. Tout le système de taxation est basé sur la confiance », a fait valoir la procureure de la Couronne Catherine Legault, hier, alors qu'elle plaidait devant la juge de la Cour du Québec Manon Ouimet. L'avocat de la défense, Me Pierre L'écuyer, suggère pour sa part d'imposer une peine avec sursis de 18 mois et des travaux communautaires à son client. M. Fazio n'a jamais obtenu un sou, a perdu son emploi et c'est le seul incident à son dossier, a-t-il signalé.

Au terme de son procès, en juin dernier, M. Fazio, 58 ans, a été déclaré coupable de  corruption de fonctionnaire, abus de confiance et tentative d'extorsion. Les faits sont survenus en 2005, alors que M. Fazio était vérificateur pour l'Agence du revenu du Canada. Il s'était rendu au restaurant La Belle Place, rue Ontario, pour vérifier les livres comptables. Il avait ensuite avisé le propriétaire, Stamatis Argiroudis, qu'il devait au moins 600 000 $ en taxes impayées, en raison de produits vendus mais non comptabilisés. M. Argiroudis était estomaqué. M. Fazio avait alors amené le propriétaire à l'écart et avait offert de rendre un rapport « plus raisonnable » contre une somme de 90 000 $.

Faillite

Le propriétaire avait par la suite demandé conseil, notamment à Peter Sergakis, homme d'affaires bien connu à Montréal, qui lui avait dit de ne pas payer. Le propriétaire a suivi ce conseil, mais n'a pas avisé la police. Son dossier a ensuite été transféré à un autre agent, qui est arrivé aussi à la conclusion que M. Argiroudis avait éludé de grosses sommes en taxes. L'homme a mis son restaurant en faillite en 2007.

Cette histoire a fait surface des années plus tard, dans le cadre d'une enquête policière nommée Coche. Celle-ci visait des fonctionnaires corrompus de l'Agence du revenu du Canada. L'enquête menée par la GRC avait permis l'arrestation de 15 personnes, notamment huit fonctionnaires, dont M. Fazio et l'entrepreneur Tony Accurso.

M. Fazio est le premier du groupe à être jugé. Il reviendra en cour le 19 janvier pour connaître sa peine. L'homme de 58 ans, qui a été congédié en 2010, en appelle de sa condamnation. Son avocat a fait valoir que le restaurateur était loin d'être blanc comme neige. Il avait éludé le paiement de taxes, et a fait faillite au moment où il devait payer. La juge Ouimet a signalé qu'elle n'était pas là pour juger la victime.