Après avoir partagé pendant six jours, à son rythme, ses souvenirs et récriminations, le sénateur Mike Duffy a dû faire face au feu nourri de la Couronne, mercredi.

Le procureur Mark Holmes a passé méticuleusement au crible le témoignage de l'accusé, dans l'espoir de semer un doute sur sa fiabilité, notamment quant aux dépenses qu'il a commencé à réclamer après sa nomination comme sénateur en 2009.

Le sénateur a plaidé non coupable à 31 chefs d'accusation de fraude, d'abus de confiance et de corruption relativement à ses dépenses de fonction à la chambre haute. Plusieurs de ces accusations sont liées au fait que M. Duffy effectuait ses réclamations comme si sa résidence principale était celle de l'Île-du-Prince-Édouard, plutôt que sa maison en banlieue d'Ottawa.

L'accusé, qui travaillait comme animateur d'une émission politique au réseau CTV, a été nommé au Sénat en 2009, à quelques pas de son ancien emploi. Il vivait dans la capitale canadienne depuis les années 1970.

Selon le procureur Holmes, cette nomination a encouru moins de dépenses au nouveau sénateur au lieu d'en ajouter davantage. M. Duffy s'est obstiné à répondre qu'il avait été choisi pour représenter l'Île-du-Prince-Édouard, qu'il vivait dans la province et qu'il avait respecté les règles. Il a réitéré qu'il n'avait pas enfreint les règlements et sûrement pas la loi.

M. Duffy s'est montré impatient, et même sarcastique par moment lors du contre-interrogatoire.

Le sénateur s'est notamment fait talonner sur ses critiques concernant les règles du Sénat. Selon M. Duffy, les règles du Sénat comportent un «piège» avec ce qu'elles désignent comme étant une «résidence principale». Il juge que cette mesure incite les sénateurs à indiquer que leur résidence principale est située dans la province qu'ils représentent.

Le procureur Holmes a souligné que même si M. Duffy avait rempli ce document où il déclarait vivre dans la province maritime, il n'était pas tenu de réclamer une allocation de logement et des indemnités pour ses dépenses quotidiennes après coup.

M. Duffy a martelé qu'il avait droit à ces versements du moment qu'il est devenu sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard. Les sénateurs vivent dans des hôtels à Ottawa ou louent des appartements à un plus grand coût que lui, qui habitait sa maison, a-t-il fait valoir.

«Votre position, c'est que vous aviez droit à ces allocations de dépenses additionnelles pour travailler à la colline du Parlement en tant que sénateur», a résumé le procureur. M. Duffy a simplement répondu: «Absolument».

Le sénateur a eu du mal à expliquer la présence d'une réclamation de 100 000 $ utilisée pour rénover sa maison à Cavendish, à l'Île-du-Prince-Édouard. Il a admis qu'il ne pouvait toujours pas rester à cette résidence lorsque surviennent des tempêtes de neige importantes.

«Quels que soient vos plans pour vivre à l'Île-du-Prince-Édouard, aucun d'entre eux n'implique l'idée d'y vivre en hiver. Êtes-vous d'accord avec cela?», a demandé le procureur.

«Non, je ne suis pas d'accord avec cela. Cela dépend de la température», a rétorqué le sénateur.

«Est-ce que les prédictions météorologiques sont plus précises à l'Île-du-Prince-Édouard? (...) Est-ce que vous me suivez? Les tempêtes sont imprévisibles», a tranché le procureur Holmes.

Le sénateur Duffy s'est vivement défendu, affirmant qu'il ne «comprenait pas» ce que le procureur essayait de lui faire dire.

Le procureur Holmes a par ailleurs rappelé que dans son témoignage, Mike Duffy avait soutenu que l'ex-premier ministre Stephen Harper l'avait convoqué dans son bureau en 2008 - alors qu'il était toujours animateur à CTV - pour discuter du tout nouveau président de Radio-Canada.

Or, Hubert Lacroix avait été nommé à ce poste l'année précédente, a rappelé le procureur. Mike Duffy a reconnu qu'il s'était peut-être mélangé dans ses rencontres.

La Couronne devrait continuer son contre-interrogatoire jeudi. Les avocats ont discuté avec le juge sur la nécessité de prolonger le procès de quelques semaines en 2016.