Le tout nouveau président du Sénat a estimé lundi, au procès de Mike Duffy, qu'il n'est pas nécessaire de détailler par le menu les règles entourant les dépenses des sénateurs, puisqu'elles tombent en général sous le sens ou qu'elles vont de soi.

Duffy a plaidé non coupable à 31 chefs de fraude, de corruption et d'abus de confiance relativement à des réclamations de dépenses en matière de logement, de voyages et de services divers. Pour sa défense, ses avocats plaident notamment que les règles d'admissibilité de ses dépenses étaient tellement floues qu'elles laissaient place aux interprétations. Une thèse déjà soutenue par deux firmes de vérification comptable indépendantes, Deloitte et KPMG.

Témoignant lundi au procès criminel, George Furey, d'allégeance libérale jusqu'au moment où le chef Justin Trudeau a exclu tous les sénateurs du caucus, a soutenu que les directives entourant les dépenses admissibles au Sénat ne doivent pas reprendre chaque cas d'espèce. Par exemple, a-t-il dit, il est superflu de préciser dans les règles écrites qu'un sénateur ne peut faire tondre la pelouse de sa résidence aux frais des contribuables, puisque cela tombe sous le sens.

L'esprit qui doit animer chaque demande de remboursement, a dit M. Furey, c'est que le sénateur dépense des fonds publics. En cas de doute, les sénateurs étaient invités à consulter des fonctionnaires ou des membres du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration, a rappelé le sénateur «indépendant libéral».

Lors de l'examen du rapport de vérification des dépenses de Duffy en 2013, M. Furey était l'un des trois membres du bureau de direction du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Il a indiqué lundi au procès que les hauts fonctionnaires recevaient en effet des demandes d'éclaircissements de la part de sénateurs au sujet de l'admissibilité de certaines dépenses.

Formulaires signés «en blanc»

Le président du Sénat a aussi juré qu'il n'avait jamais signé de réclamations de dépenses «en blanc». Une adjointe de Duffy a déjà indiqué au procès que l'ancien sénateur conservateur de l'Île-du-Prince-Édouard, pour accélérer la procédure bureaucratique, avait déjà apposé sa signature sur des formulaires de réclamation vierges, qui pouvaient être complétés par la suite. M. Furey a aussi indiqué que ses collègues - libéraux et conservateurs - avaient été prévenus de ne pas adopter cette «bien mauvaise pratique de gestion».

Par ailleurs, la Couronne reproche notamment à Duffy d'avoir réclamé des remboursements pour ses frais de logement à Ottawa alors qu'il y habitait depuis des années à titre de courriériste parlementaire.

L'avocat de Duffy, Donald Bayne, a fait dire au témoin Furey, plus tôt lundi, que devant les enquêteurs, il avait déjà soutenu que les distinctions entre résidence principale et secondaire n'avaient pas besoin d'être précisées puisqu'elles «allaient de soi»: une résidence principale, c'est là où habitent son conjoint ou sa conjointe et le chien du couple, et où se trouve «son pub habituel», aurait-il déclaré alors.

M. Furey, nommé jeudi dernier à la présidence de la chambre haute par le nouveau premier ministre libéral, Justin Trudeau, est arrivé au palais de justice d'Ottawa, lundi, accompagné d'avocats du Sénat.