Le procès de Mike Duffy pour fraude, corruption et abus de confiance entreprendra jeudi sa dernière ligne droite, au cours de laquelle on devrait assister au témoignage très attendu du sénateur lui-même.

La Couronne complétera d'abord sa preuve pendant environ une semaine, en appelant ses derniers témoins, dont Gerald Donohue, ami et ancien collègue du sénateur à Ottawa. M. Duffy devrait quant à lui être appelé à la barre lorsque son avocat présentera ses arguments, après la Couronne.

M. Duffy a plaidé non coupable aux 31 chefs d'accusation qui pèsent contre lui relativement à ses dépenses de fonction et ses allocations de logement à Ottawa. Pour sa défense, le sénateur de l'Île-du-Prince-Édouard plaide qu'il a toujours respecté les règles en vigueur au moment des faits qu'on lui reproche. Son avocat tente de convaincre le juge Charles Vaillancourt, de la Cour de l'Ontario, que ces règles étaient imprécises et laissaient place à l'interprétation ou à l'erreur.

M. Duffy, qui a été courriériste parlementaire pour la télévision, vivait donc depuis des années à Ottawa. Lorsqu'il est devenu sénateur, il a aussi demandé qu'on lui rembourse ses frais de logement dans la capitale, en soutenant que sa résidence principale était située dans l'Île-du-Prince-Édouard - où il possédait une petite résidence secondaire.

Gerald Donohue, lui, avait obtenu de son ami Duffy des contrats pour des services de recherchiste et de consultant, payés par les contribuables. En retour, M. Donohue tirait des chèques pour d'autres services retenus par le sénateur, comme un entraîneur personnel ou une maquilleuse professionnelle. La santé de M. Donahue est chancelante et il a été difficile jusqu'ici de fixer des dates pour son témoignage au tribunal.

Ce chapitre du procès ne devrait pas être aussi instructif que le précédent, en août, juste avant la campagne électorale. D'anciens membres de la garde rapprochée du premier ministre Stephen Harper, dont son ex-chef de cabinet Nigel Wright, étaient alors venus raconter leur version de l'épisode du chèque de 90 000 $ - et surtout: qui savait quoi et quand, dans cette affaire. M. Wright avait donné 90 000$ au sénateur Duffy pour qu'il rembourse rapidement et discrètement ses dépenses douteuses.

Puisque M. Harper et les conservateurs ne sont plus au pouvoir, il est moins pertinent de connaître tous les détails des manoeuvres du cabinet du premier ministre et de certains sénateurs pour étouffer le scandale.

Le témoignage de M. Duffy, par contre, risque d'être couru: l'accusé n'a pratiquement rien dit de cette affaire depuis le début du procès en avril. Dans deux allocutions assez spectaculaires au Sénat, il y a deux ans, il s'en était pris ouvertement à M. Harper et son équipe, et il promettait de déballer son sac plus tard.

M. Duffy a toujours soutenu qu'il avait été forcé, par le cabinet du premier ministre, d'admettre publiquement qu'il avait remboursé les dépenses injustement réclamées, alors qu'il ne voulait même pas admettre ses torts. «Les Canadiens me connaissent comme un honnête homme. Rembourser des sommes que je ne dois pas, ce serait ternir cette réputation», disait-il en octobre 2013 au Sénat.

«Le cabinet du premier ministre a multiplié les pressions. Certains honorables sénateurs m'ont appelé dans l'Île-du-Prince-Édouard. Un sénateur en particulier m'a laissé plusieurs messages particulièrement méchants et menaçants: «Fais ce que veut le premier ministre. Fais-le pour le premier ministre et le bien du parti. J'ai résisté encore, mais finalement, le message du cabinet du premier ministre est devenu: "Fais ce qu'on te dit, sinon..."»

Pour cette étape du procès, le tribunal a prévu des audiences jusqu'au 18 décembre, mais les avocats pourraient bien demander plus de temps pour leurs plaidoiries finales.