Amorcé il y a trois semaines, le procès de quatre membres et un retraité des Hells Angels accusés à la suite de l'opération SharQc a été marqué par un témoignage particulièrement déchirant, hier. Carole Durand, une femme d'affaires de la région de Sherbrooke, a raconté comment son ancien conjoint, Michel Mathieu, avait été tué juste à côté d'elle, dans leur voiture, le 5 mars 1997.

Le meurtre de Michel Mathieu est l'une des huit accusations portées contre les accusés, les frères Sylvain et François Vachon, Yvon Tanguay et Michel Vallières, toujours membres de la section des Hells Angels de Sherbrooke, et Claude Berger, membre à la retraite de cette même section.

Laissant parfois échapper des larmes, marquant des pauses pour bien se remémorer les événements survenus il y a près de 20 ans, Mme Durand a livré avec aplomb un témoignage détaillé et poignant qui a été écouté avec attention par les jurés et les accusés.

Mauvais présage

En fin d'après-midi, le 5 mars 1997, Mme Durand et M. Mathieu ont soupé au restaurant Deauville Express, aujourd'hui disparu, après une journée de travaux de rénovation. En entrant dans l'établissement, l'attention de Mme Durand a été attirée par trois inconnus assis au comptoir, qui portaient des vestes de cuir noires.

Au bout d'une heure et demie, le couple a quitté le restaurant pour retourner à la maison, sur le chemin de Venise à Deauville. À mi-parcours, Mme Durand, qui était passagère, a remarqué qu'un véhicule les talonnait, au point «que les phares l'aveuglaient», a-t-elle expliqué.

«Il faisait très froid, la chaufferette fonctionnait à son maximum et faisait du bruit. Et là, j'entends bang bang. Je dis à Michel: «As-tu entendu le bruit?» Tout d'un coup, le véhicule passe très près de nous, à gauche. Il ralentit au lieu de dépasser vite comme on le fait normalement. J'entends encore les mêmes bruits, mais je ne comprends pas encore ce qui se passe», a-t-elle raconté.

Pendant que le véhicule suspect les dépassait, la voiture du couple a commencé à louvoyer de droite à gauche. Mme Durand a demandé à son conjoint ce qu'il faisait, mais il n'a pas répondu. Elle s'est alors agrippée au volant, pour éviter que la voiture ne roule dans le fossé, et a constaté dans le pare-brise «des trous avec des étoiles». Elle a toutefois été incapable de redresser le véhicule qui a quitté la chaussée avant de s'abîmer dans le fossé.

Un dernier regard

«Je me suis relevée, j'étais un peu assommée. Michel était très surpris. Il a lâché le volant. Je lui ai dit: «Qu'est-ce que se passe?» Il a ouvert son manteau et a dit: «Je viens de me faire tirer! J'ai crié comme je ne serais plus jamais capable de le faire.»

«On s'est regardés une dernière fois. On ne s'est rien dit, mais c'était un regard qui parlait plus que si on avait parlé. Il a pris une dernière respiration et il est tombé en convulsions», a poursuivi Mme Durand, avant de raconter qu'elle s'était éloignée pour tenter de chercher de l'aide pour ensuite revenir auprès de son conjoint, qui venait de mourir. Elle est restée la tête appuyée sur l'épaule de ce dernier jusqu'à l'arrivée des secours.

Durant le contre-interrogatoire de Mme Durand qui se poursuit demain, Me Nellie Benoit, de la défense, a notamment tenté de soulever des contradictions entre le témoignage de la femme et des déclarations qu'elle avait faites après le drame.

Par ailleurs, un policier retraité de la Sûreté du Québec, Richard Robitaille, a témoigné plus tôt dans la journée et raconté avoir trouvé deux armes dans un compartiment secret d'une camionnette garée sur le terrain de la résidence de Sylvain Vachon en mai 1996.

Photo La Presse

Les armes découvertes dans un Blazer vert garé sur le terrain de la résidence de Sylvain Vachon le 13 mai 1996.