Jusqu'en 2012, le Sénat n'avait établi «aucun» critère clair pour déterminer la résidence principale de ses membres, a confirmé hier l'ex-principal conseiller juridique de l'institution, au grand plaisir du sénateur Mike Duffy et de son avocat.

Le jour 2 du «procès de la décennie» dans la capitale fédérale a été consacré à une exploration en profondeur - souvent technique et aride - des règles dont M. Duffy a pris connaissance juste après avoir fait son entrée au Sénat, fin 2008. Ou de l'absence de règles claires dont il a pris connaissance.

Le sénateur déchu tente d'établir que même s'il vivait à Ottawa depuis des décennies, il avait le droit - et même l'obligation - d'enregistrer son chalet de l'Île-du-Prince-Édouard comme résidence principale auprès du Sénat. Il a ainsi empoché 82 000$ en frais de subsistance hors résidence alors qu'il était chez lui, en banlieue de la capitale fédérale.

Le concept de résidence principale «n'a jamais été défini», a reconnu Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire de la Chambre haute de 1996 à l'an dernier. Les règles ne contiennent «absolument pas» de référence à un nombre minimal de jours passés dans une maison plutôt qu'une autre, comme c'est le cas pour d'autres lois.

M. Audcent a été appelé à comparaître par la Couronne, mais son témoignage profite surtout à la défense pour l'instant.

Mark Holmes, procureur de la Couronne au dossier, avait plaidé la veille qu'il fallait comprendre le sens de «résidence principale» avec sa définition commune: la maison où un individu dort chaque fois, où sa famille se trouve, où il reçoit ses factures. En qualifiant son chalet de «résidence principale» pour ensuite exiger 82 000$ en paiement de subsistance, Mike Duffy a commis une fraude, plaide l'avocat.

De l'autre côté de la salle d'audience, Donald Bayne tente de convaincre le juge de s'en tenir aux règles écrites communiquées aux sénateurs. La largesse de celles-ci permettait au sénateur de désigner son chalet comme résidence principale, selon le criminaliste qui défend M. Duffy.

Comme au premier jour de son procès, Mike Duffy n'a pas voulu prononcer un seul mot en arrivant au palais de justice d'Ottawa ou en en sortant. Il a écouté avec attention l'ensemble des procédures, bâillant par moment et échappant un léger rire après une blague inoffensive de son avocat.

L'ex-journaliste devenu tête d'affiche du caucus conservateur fait face à 31 chefs d'accusation, la plupart pour fraude. Le Couronne l'accuse aussi de corruption pour avoir accepté que le riche chef de cabinet du premier ministre Harper lui remette un chèque de 90 000$ afin de rembourser ses dépenses controversées.

Le procès devrait durer une quarantaine de jours. Selon la planification actuelle, Mike Duffy témoignera au moins de juin, a indiqué son avocat.