Dépenses de déplacement alors qu'il était à sa résidence d'Ottawa, fausses factures visant à créer une caisse occulte et voyages familiaux remboursés: le sénateur déchu Mike Duffy a grossièrement abusé des fonds publics, a avancé la Couronne à l'ouverture de son procès.

Les audiences, déjà qualifiées de «procès de la décennie» dans la capitale fédérale, ont débuté mardi avant-midi dans une petite salle bondée du palais de justice d'Ottawa. 

L'ex-journaliste devenu tête d'affiche du Parti conservateur fait face à 31 chefs d'accusations liés aux remboursement de ses dépenses pendant les premières années de son mandat au Sénat. «Je ne suis pas coupable, votre honneur», a-t-il affirmé clairement au juge Charles Vaillancourt en début de journée, réitérant ainsi son plaidoyer d'innocence.

Juste après, la Couronne a notamment avancé que Mike Duffy a: 

-  versé des sommes considérables à une entreprise afin d'ensuite s'en servir à l'abri de toute surveillance du Sénat, entre autres pour des dépenses précédemment jugées inacceptables;

-  voyagé aux frais des contribuables pour des «voyages familiaux» et des «voyages de magasinage», notamment pour «acquérir un chien»;

-  demandé et obtenu un remboursement de 3142 $ en fonds publics afin de se rendre prononcer un discours pour lequel il a reçu plus de 11 000 $.

Mark Holmes, le procureur de la Couronne, a qualifié ces gestes de «criminels», alors que l'accusé demeurait de glace, derrière son avocat. Il n'a pas prononcé une seule syllabe en entrant ou en sortant du palais de justice, entouré par une nuée impressionnante de caméras.

En après-midi, son camp a exposé sa version des faits: même si certaines dépenses peuvent choquer le «sens commun», il faut se fier aux règles du Sénat qui existaient à l'époque afin de déterminer si Mike Duffy est coupable de fraude, a plaidé Donald Bayne. Et, selon lui, ces règles étaient assez larges pour inclure toutes ces dépenses. 

Mike Duffy «est seul ici, comme s'il devait répondre pour tous les torts de l'administration du Sénat», a déploré Me Bayne pendant ses remarques introductives. «Il a été isolé, pointé du doigt», mais il s'agissait de pratiques communes pour tous ses collègues de la chambre haute, a-t-il ajouté.

Ce que Stephen Harper savait

La journée d'audience s'est conclue sur une révélation de la défense, qui a rendu publique pour la première fois un extrait des déclarations de l'ex-chef de cabinet de Stephen Harper à la Gendarmerie royale du Canada (GRC). Selon cet extrait, le bureau du premier ministre doutait 

fortement de l'illégalité des dépenses controversées du sénateur Duffy.

«J'étais conscient du fait que je tentais de pousser très fort sur un membre du caucus conservateur pour qu'il rembourse un montant important alors qu'il y avait possiblement droit», aurait dit M. Wright aux policiers, selon un document lu par Me Bayne. «Il fallait que le premier ministre le sache.»

Cette déclaration amène de l'eau au moulin de la défense, dont l'argumentaire rejoint l'opinion de M. Wright quant à la légalité des remboursements.

Des semaines après les faits relatés, Nigel Wright décidera d'écrire un chèque de 90 000 $ pour assumer lui-même le remboursement des dépenses controversées du sénateur Duffy. Il a démissionné lorsque ce paiement a été dévoilé par la presse.

Le premier ministre Harper a affirmé être déçu par le comportement de son bras droit.