Quand elle a mis sur l'internet la caricature du porte-parole du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM), Ian Lafrenière, avec une balle dans le front, en mars 2013, Jennifer Pawluck n'a « pas pensé que les policiers allaient tomber là-dessus ».

« C'était sans prétention que d'autres le voient. Ce n'était pas mon intention de le menacer. C'était une critique envers les policiers en général », s'est défendue Mme Pawluck, alors qu'elle témoignait à son procès, hier. La femme de 22 ans, qui militait contre la brutalité policière et qui soutient en avoir elle-même « vécu », est accusée de harcèlement criminel envers le commandant Lafrenière.

Mme Pawluck a raconté qu'elle a vu le graffiti en question sur un mur, un soir de mars 2013, et qu'elle l'a trouvé « bien dessiné ». Elle l'a photographié et l'a mis sur son compte Instagram. Elle savait que c'était un policier, mais prétend qu'elle ignorait de qui il s'agissait. Elle a demandé à des amis, qui lui ont répondu que c'était Ian Lafrenière. Elle a ajouté des mots-clics, notamment #IanLafrenière (écrit de deux façons), et des slogans comme ACAB (All cops are bastards ou « Tous les flics sont des salauds ») et One cop one bullet, « Un flic une balle »...

« C'était juste des slogans, je n'aurais jamais fait ça », a assuré Mme Pawluck.

« Vous n'aimez pas la police ? », lui a demandé la Couronne. « C'est l'institution, ce qu'ils représentent. C'est plus la haine envers l'institution policière », a-t-elle répondu.

Le compte Instagram de Mme Pawluck s'appelait Anarcommi. Elle avait 81 abonnés et suivait 87 personnes.

Ébranlé

Le 28 mars 2013, c'est un collègue qui a informé le policier Lafrenière de l'existence de ce billet (post) sur Instagram. M. Lafrenière en a été fortement ébranlé, car il avait vécu du harcèlement en 2012, l'année des « 1000 manifestations ». Il a pris cette nouvelle affaire de façon personnelle et s'est senti visé.

« C'était mon visage, et mon nom était écrit. Je suis porte-parole du SPVM depuis 19 ans. J'ai fait des dossiers de crime organisé, je n'ai jamais été menacé avant 2012. Ce qui m'a fait le plus mal, c'est de réaliser que mon travail avait un impact sur ma famille », a expliqué M. Lafrenière lors de son témoignage, hier.

Il a raconté que les seules menaces qu'il a eues en 19 ans sont venues dans le cadre des manifestations étudiantes, en 2012. À un certain moment, quelqu'un avait affiché son adresse personnelle dans une université. Dans la foulée, des gens venaient crier, klaxonner ou jeter des choses devant chez lui.

« Oui, ça m'insécurise. Mes filles sont quand même jeunes. Le lendemain, une petite voisine est venue et a demandé [à une de mes filles] pourquoi quelqu'un voulait tuer son papa. » 

Cette période a été difficile pour M. Lafrenière, père de deux jeunes enfants. Une des personnes qui gardaient ses enfants avait été suivie, apparemment un acte d'intimidation. La famille a dû se déplacer pendant un certain temps. Sa conjointe a été en arrêt de travail pendant quelques mois.

Quand la caricature est apparue en mars 2013, M. Lafrenière a repensé à tout cela.

« Oui, ça m'a shaké, ça m'a ramené aux menaces que j'avais reçues avant », a-t-il dit avec émotion.

Les plaidoiries auront lieu aujourd'hui devant la juge Marie-Josée Di Lallo. Me Valérie De Guise représente Mme Pawluck, tandis que Me Josianne Laplante agit pour la Couronne.

Photo Ivanoh Demers, La Presse

Jennifer Pawluck, l'accusée.