Il en va des hommes comme des fourmis : ils cheminent d'instinct sur des passages naturels. Leur couper le chemin en les écrasant, en érigeant des clôtures ou en distribuant des contraventions n'y changera rien. Ils reviendront toujours sur ce que les urbanistes appellent les «lignes de désir».

«C'est une absurdité de ne pas le reconnaître», a fait valoir Nathalie Casemajor, alors qu'elle témoignait hier en Cour du Québec. Cofondatrice d'un groupe citoyen qui milite pour avoir un passage à niveau dans le Mile End, Mme Casemajor conteste la contravention de 146 $ qui lui a été remise il y a quatre ans. Outre le fait qu'elle aimerait ne pas la payer, elle espère apporter de l'eau au moulin de ses revendications avec l'éventuel jugement. C'est le juge Louis Duguay qui entend l'affaire.

Le 26 février 2011, vers 15 h 45, Mme Casemajor marchait sur l'emprise de la voie ferrée du Canadien Pacifique, près de la rue De Gaspé, pour documenter la demande d'un passage à niveau pour piétons et cyclistes dans le quartier. Elle prenait des photos des brèches que les gens font dans la clôture pour passer. Un policier du Canadien Pacifique l'a vue et lui a donné une contravention.

La loi

La Loi sur la sécurité ferroviaire stipule qu'il est interdit de se trouver sur l'emprise d'une voie ferrée, à moins d'avoir une excuse légitime.

Mme Casemajor estime qu'elle avait une excuse légitime. Elle considère par ailleurs que traverser la voie ferrée dans le Mile End pour gagner du temps est une excuse légitime. Elle invoque aussi l'aspect de la sécurité. Elle pense que traverser une voie ferrée, même la nuit, est plus sécuritaire que faire le détour et emprunter les viaducs sombres.

Une résidante du quartier Rosemont, Mistaya Hemingway, qui va souvent dans le Mile End, a témoigné dans le même sens. Traverser la voie lui prend 30 secondes, alors qu'il faut faire un détour de 10 minutes en empruntant le viaduc. Même avec son enfant, elle choisit la voie ferrée plutôt que le viaduc.

Bris

François Dubuc, policier au CP, admet qu'il y a beaucoup de bris et qu'il faut constamment réparer les trous que les gens font dans la clôture de mailles de chaîne. Les affiches qui préviennent du danger de se trouver à cet endroit sont souvent arrachées, ou encore peintes. « Ce qui est réparé le lundi, il y a une brèche le mardi », a-t-il illustré. Il a raconté qu'il est arrivé que les poteaux de clôture fraîchement coulés dans le ciment soient tout simplement arrachés.

Mais le Mile End n'est pas le seul endroit où on observe cette situation. «C'est un problème récurrent en milieu urbain», a-t-il dit. Selon lui, le nombre d'infractions a diminué au cours des ans, car il y a eu beaucoup de répression.

Conseiller

Le conseiller municipal du Mile End, Richard Ryan, a expliqué que la Ville de Montréal avait entrepris des discussions avec le CP, il y a quelques années, pour établir un passage pour piétons. Mais le CP a servi un non catégorique jusqu'à maintenant.

Clôture ou pas, les gens traversent quand même, a témoigné M. Ryan. Ils sautent par dessus ou passent en dessous. Des données ont été recueillies à la demande de la Ville. M. Ryan a cité en exemple la date du 10 mai 2012 : entre 7 h et 19 h, 289 piétons et 81 cyclistes ont franchi la zone ferroviaire dans le Mile End.

Le procès se poursuivra en mars. La défense, menée par l'avocat Cory Verbauwhede, compte faire entendre un médecin en santé publique, Patric Morency, spécialiste des accidents en milieu urbain. C'est Me Geneviève Laporte qui occupe pour le ministère public.