Le client était «propre et bien mis.» Julie trouvait qu'il avait l'air respectable. Pour 20$, il était entendu qu'elle allait lui faire une fellation dans sa voiture.

Mais pendant l'acte, l'homme s'est déchaîné. «Chienne, salope», grognait-il, en lui rentrant son pénis profondément dans la gorge, au point que Julie ne pouvait plus respirer.

Ce fameux soir du 13 novembre 2002, Julie a cru que sa dernière heure était venue. Elle a lutté pour trouver de l'air. L'homme l'a tabassée à coups de poing au visage et l'a violée tout en appuyant fortement le poing sur sa gorge.

Julie croit que c'est l'arrivée inopinée de deux passantes qui l'a sauvée. Surpris, l'homme a jeté Julie hors de sa voiture, avant de repartir sur les chapeaux de roue. Une des femmes a relevé la plaque.

L'homme en question, c'est Giovanni D'Amico. Il a 48 ans maintenant. Il est toujours propre et bien mis.

Cette semaine, douze ans après les faits, il a été déclaré coupable d'avoir agressé sexuellement Julie et de l'avoir blessée. La juge Isabelle Rheault l'a aussi déclaré coupable d'avoir agressé sexuellement trois autres femmes, de novembre 2002 à septembre 2005. Des agressions violentes qui ont marqué à jamais les victimes. Celles-ci, toutes des prostituées, avaient accepté de lui faire une fellation pour 20$. Mais chaque fois, D'Amico les a sodomisées brutalement, sans leur consentement, et sans condom.

L'ADN de D'Amico allait le trahir dans au moins deux cas.

«Tu sors pas d'ici»

«Tu sors pas d'ici tant que tu fais pas tout ce que je veux. Tu vas suivre pis tu vas fermer ta gueule», a lancé D'Amico à Carmen, le 23 septembre 2005. La pauvre femme était bien mal en point quand D'Amico l'a finalement jetée hors de son véhicule, en pleine nuit. Elle ne pouvait pas s'asseoir dans le véhicule de patrouille qui l'a conduite à l'hôpital. «Il m'a défoncée... j'ai mal...,» répétait-elle, couchée de côté sur la banquette. Des blessures importantes au rectum et à la région périanale ont été notées à l'hôpital.

«C'était un francophone, mais qui parle un franco-québécois, pas comme moi. Il parlait bien français, comme quelqu'un qui est allé à l'école», a relaté Carmen, aux policiers.

Carmen n'est pas venue témoigner au procès, puisqu'elle est morte de maladie, trois ans presque jour pour jour après l'agression. Mais la preuve était assez étoffée pour déterminer que l'agresseur était bien D'Amico. Cette preuve incluait la déclaration de Carmen, des témoignages, mais aussi l'ADN de l'agresseur. Un ADN qui, pendant plusieurs années, n'avait correspondu à rien dans la banque des réseaux policiers. Ce n'est qu'en 2008, que la police a obtenu l'ADN de D'Amico, qui, outre des agressions sexuelles, était cette fois soupçonné du meurtre d'une prostituée.

Meurtre

La victime, Nicole, avait été trouvée face contre terre dans un parc de Montréal, le 15 octobre 2007. Elle avait été étranglée et son pantalon était baissé jusqu'aux genoux. Ce mode d'opération ressemblait à celui utilisé dans le cas de plusieurs agressions sexuelles non résolues, estimaient les policiers. En avril 2008, ils ont réussi à obtenir l'ADN de D'Amico lors d'une opération. Les analyses l'ont incriminé pour les agressions sexuelles, mais l'ont exonéré pour le meurtre. Un autre homme, Bernard Armelin, a d'ailleurs avoué avoir tué Nicole. Il est à noter que les photos d'Armelin et de D'Amico figuraient dans le registre des mises en garde contres les clients brutaux de l'organisme Stella. Cet organisme apporte du soutien aux travailleuses du sexe.

Arrestation

D'Amico, qui avait fondé une petite entreprise en informatique, a été arrêté et accusé des agressions sexuelles en juillet 2008. Il a obtenu sa remise en liberté. Les procédures ont été extrêmement longues. Le procès s'est tenu par à-coups. L'accusé était représenté par Me Isabel Shurman, tandis que c'est Me Anne Gauvin qui représentait la Couronne.

Cette semaine, la juge Rheault a rendu son jugement. Les plaidoiries sur la peine à imposer ont été remises à plus tard. Néanmoins, Me Gauvin a réclamé l'incarcération immédiate de D'Amico. «Vous ne savez rien de cet homme. Il a violé quatre femmes, il n'y a pas de raison qu'il reste en liberté. Il encourt une longue peine», a-t-elle soutenu, hier.

Me Schurman, de son côté, a plaidé pour que son client reste en liberté, et a déposé de la jurisprudence. «Il a toujours respecté ses conditions depuis six ans», a-t-elle soulevé entre autres.

La juge Rheault a décidé de laisser D'Amico en liberté, à la grande déception de deux des victimes qui étaient présentes.

Les parties se reverront le 4 novembre pour la suite des choses.