Lorsqu'il a poignardé à mort son ex-conjointe et la fille de cette dernière, François Tartamella souffrait-il de troubles mentaux qui lui ont fait perdre la raison, ou a-t-il plutôt agi sous le coup de la colère parce qu'il n'acceptait pas la séparation et l'idée de perdre la garde de ses enfants?

Au cours de leurs plaidoiries, hier, la défense et le ministère public ont exposé au jury deux hypothèses bien différentes sur l'état mental de l'accusé au matin du 4 novembre 2011.

Comme la défense plaide la folie, la question de l'état d'esprit de Tartamella au moment du drame sera primordiale dans l'issue du procès. Les deux parties ont avisé les 11 jurés hier qu'ils devront en tenir compte pour déterminer si l'accusé est coupable ou non des meurtres non prémédités d'Emmanuelle Phaneuf et de sa fille Laurie, 13 ans.

D'entrée de jeu, Me Anne-Marie Lanctôt, de la défense, a parlé d'un drame qui «défie la raison».

«Dans cette folie meurtrière, cet homme, ce père si aimant pour ses enfants, a semé la mort sous les yeux de ceux qui étaient si importants, si chers à son coeur», a-t-elle rappelé. Les deux fils du couple, respectivement âgés de 1 et 3 ans à l'époque, pleuraient aux pieds de leur mère sans vie lorsque les policiers sont arrivés dans leur logement de Longueuil.

Une «dissociation»

Selon la défense, l'amnésie de François Tartamella après le drame - que le jury a pu constater lors de son interrogatoire policier - est due à un épisode de «dissociation». «Le cerveau continue à fonctionner d'une drôle de façon», a résumé Me Lanctôt, qui a rappelé l'état dans lequel l'accusé se trouvait après son arrestation. Il n'était «pas là», il se parlait à lui-même et a été incapable de donner sa date de naissance.

Les gestes de son client n'étaient pas plus «logiques» juste avant le drame, survenu vers 6h15. Ce matin-là, l'accusé a dit qu'il prévoyait de faxer des CV pour se trouver un nouvel emploi et pensait aussi à monter un dossier pour avoir la garde partagée de ses enfants. «Tout arrive à vitesse grand V, sans filtre, sans raisonnement, sans logique», a insisté Me Lanctôt.

François Tartamella, dont la relation avec Emmanuelle n'était «pas passionnelle», n'avait aucun mobile pour commettre ces gestes d'«horreur», selon son avocate.

La Couronne

Selon la thèse du ministère public, François Tartamella n'acceptait pas la séparation et l'idée de perdre la garde de ses enfants.

«Voyant qu'il était incapable de raisonner Emmanuelle Phaneuf, il est devenu en colère et a décidé de se venger, a dit Me Sylvie Villeneuve. Voulant faire souffrir Emmanuelle Phaneuf, il s'est attaqué à Laurie Phaneuf.»

Me Villeneuve a décrit François Tartamella comme un homme «contrôlant» qui avait mis un mot de passe sur son ordinateur et qui surveillait l'utilisation du téléphone de la maison. Elle l'a aussi présenté comme un homme «harcelant» qui pouvait appeler son ex-conjointe 23 fois de suite et comme un homme «jaloux» «obnubilé» par les photos qu'Emmanuelle avait prises aux côtés d'autres hommes au cours d'un voyage de filles à Cuba, un mois avant sa mort.

La Couronne s'est aussi attaquée à la crédibilité de l'accusé en relevant diverses contradictions dans son témoignage. Elle a mis en doute l'existence même de ses troubles mentaux. «Qu'est-ce qui peut expliquer la survie des enfants, sauf le fait qu'il n'était pas en dissociation?», a demandé Me Villeneuve

Le juge André Vincent donnera ses directives au jury ce matin. Puis le jury sera séquestré jusqu'à ce qu'il soit prêt à donner son verdict.