Pendant que Robert serrait le cou de la femme sur le lit en la menaçant, Éric Daudelin avait l'ordre de fouiller son sac à main. Il y a trouvé 400 $ et la photo d'une enfant, la fille de la malheureuse. «Si tu ne me paies pas, je vais commencer par tuer ta fille. Je vais l'égorger, et après, ça va être toi», a grogné Robert.

«As-tu un problème avec ça», a ensuite demandé Robert à M. Daudelin?

Quand il a vécu cet épisode dans un motel de Laval, le 2 juin 2011, Éric Daudelin croyait assister à une violente mise au point entre son grand patron, Robert, et la femme qui tardait à lui rembourser une dette de 20 000 $. M. Daudelin ignorait alors qu'il était l'acteur principal du scénario 35, mis en scène par ses nouveaux amis et collègues criminels. Criminels? Ça aussi c'était de la poudre aux yeux. Ils étaient tous des policiers agents doubles impliqués dans une opération Mister Big, visant ultimement à faire parler Daudelin du meurtre de la petite Joleil Campeau, survenu 16 ans auparavant.

Le scénario 35 avait pour but de mettre Éric Daudelin en confiance, a expliqué l'agent double Robert, alors qu'il témoignait, lundi,au procès de M. Daudelin, accusé du meurtre de la petite Joleil Campeau. «On voulait le mettre à l'aise, lui montrer que dans l'organisation il n'y avait pas de problème avec la violence envers un enfant.»

Pendant la durée de l'opération, du 9 mars au 22 juin 2011, Éric Daudelin a été impliqué à son insu dans 45 scénarios. Ce n'est qu'au 45e qu'il aurait fait des confidences.

Depuis vendredi dernier, les agents doubles Robert et Claude se relaient à la barre pour relater le déroulement de chacun de ces scénarios. M. Daudelin croyait avoir été repêché par une organisation criminelle très prospère, qui le payait bien et lui faisait vivre la grande vie : soupers dans des restaurants huppés, voyages, billets de boxe et de hockey et box au centre Bell... Emballé, M. Daudelin effectuait toutes les tâches qu'on lui assignait comme un «bon soldat», et en redemandait.

Transparence et honnêteté

Les agents doubles lui répétaient souvent qu'il fallait être d'une honnêteté et d'une transparence sans faille pour être dans l'organisation. Le 8 juin 2011, M. Daudelin a ainsi réparé de lui-même un petit mensonge qu'il avait conté à l'organisation au début. Il a avoué à Claude que les 12 ans de pénitencier qu'il avait faits pour vente de stupéfiants pour les Hells Angels, ce n'était pas vrai. Il avait plutôt été condamné pour des agressions sexuelles. Claude l'a félicité pour sa franchise.

Quelques jours plus tard, M. Daudelin s'est encore montré transparent. Il a informé Claude qu'il avait eu la visite des «cochons.». Ils étaient venus le voir en lien avec la disparition d'une jeune fille en 1995. «Il m'a dit que la jeune fille demeurait près de chez lui en 1995, mais qu'il n'avait rien à voir là-dedans.», a raconté Claude. M. Daudelin semblait préoccupé et a parlé d'ADN.

 «J'ai fait l'indifférent, a expliqué Claude.  J'ai dit j'ai pas besoin d'en savoir plus, t'es pas impliqué là-dedans.»

En fin de journée, lundi, le témoin a abordé le récit du dernier des scénarios, qui s'est déroulé à Vancouver le 21 juin 2011. Des membres de l'organisation, incluant M. Daudelin, se trouvaient là pour la «grosse job.» On avait fait miroiter à M. Daudelin qu'il obtiendrait 50 000 $ pour sa participation à cette grosse job et que celle-ci signerait son intégration dans l'organisation.

Le scénario 45 prévoyait qu'il surviendrait un pépin à cause de M. Daudelin et que la «grosse job» serait mise sur la glace, a expliqué Claude. On connaîtra le fin mot de l'histoire mardi, au procès..

Rappelons que la petite Joleil Campeau a été enlevée le 12 juin 1995, près de chez elle, et a été retrouvée noyée quatre jours plus tard dans un ruisseau de son quartier, à Auteuil. L'enfant de neuf ans avait été agressée sexuellement. M. Daudelin avait été interrogé en 1995, mais ce n'est qu'en 2011 qu'il a été accusé.