Parce que la température rectale d'un patient a été prise alors que celui-ci s'y opposait, l'hôpital Sacré-Coeur doit payer un peu plus de 18 600 $ à l'individu. Ce dernier, John Beshara, 56 ans, était prisonnier à la prison de Bordeaux au moment des faits, en septembre 2006. Il soutient avoir vécu cela comme un viol de sa personne, une agression sexuelle.

M. Beshara, un héroïnomane qui était en manque de méthadone, avait été amené de la prison à l'hôpital Sacré-Coeur en fin d'après-midi, le samedi 9 septembre 2006. Il était malade et disait avait consommé de 5 à 6 comprimés qui lui avaient été refilés par un autre détenu. Il vomissait et son état passait de l'agitation à la torpeur. À son arrivée à l'urgence, sa température rectale avait été prise sans problème. M. Beshara était menotté à un lit.

Le lendemain matin, quand, à la demande du médecin, l'infirmier Clément R. Turgeon a voulu reprendre sa température de la même manière, M. Beshara a refusé. L'infirmier a fait part de ce refus au médecin de l'urgence, qui a répondu qu'il avait besoin de cette donnée. M. Turgeon est retourné auprès du patient pour prendre la température. M. Beshara s'est débattu, a injurié les personnes présentes, a craché, a arraché son soluté... Les agents des services correctionnels l'ont maîtrisé, et l'infirmier a pris sa température rectale, une opération qui a pris une dizaine de secondes. M. Beshara a reçu son congé dans les heures suivantes, et a été ramené à la prison, où il a fait l'objet d'une mesure disciplinaire en raison de son comportement à l'hôpital. Il a été confiné pendant deux jours dans une cellule dépourvue de tout. Il est à noter que M. Beshara purgait une peine de 20 fins de semaine de prison pour vol au moment des faits. 

Dans la foulée de cette affaire, M. Beshara a porté des plaintes, notamment à l'hôpital, au Protecteur du citoyen et devant les instances disciplinaires.

Une poursuite 

De plus, en septembre 2009, à deux jours de la prescription, M. Beshara, représenté par l'avocat George Calaritis, a intenté une poursuite civile contre l'hôpital, le médecin et l'infirmier de l'urgence, les Services correctionnels... Il réclamait 200 000 $ en dommages moraux et punitifs.

L'affaire s'est étirée pendant plus de quatre ans. En 2010, devant son ordre professionnel, l'infirmier Turgeon a plaidé coupable à deux infractions en lien avec cette affaire: ne pas avoir respecté le refus de soin d'un patient, et ne pas avoir consigné ses notes au dossier. 

Finalement, alors que le procès devait s'ouvrir, en décembre dernier, M. Beshara a retiré sa plainte contre le médecin et l'infirmier à l'hôpital du Sacré-Coeur. De leur côté, l'infirmier Turgeon et l'hôpital ont reconnu que M. Beshara avait le droit de refuser le soin, et qu'ils auraient dû l'écouter. Arguant qu'il n'y avait pas eu dommages physiques, ni de preuve de dommages moraux, ils ont offert 15 000 $ de compensation et 3 600 $ en intérêts. Restait à déterminer si la somme était suffisante, et si les Services correctionnels devaient être tenus responsables, eux aussi. 

L'audience s'est tenue en décembre devant le juge de la cour supérieure Benoît Émery. Au début février, le juge a statué que la somme offerte par l'hôpital était amplement suffisante, et a conclu que les services correctionnels n'avaient pas commis de faute. «Ils avaient à composer avec une personne agressive, qui avait arraché son cathéter, qui saignait, qui crachait et se débattait. Ils avaient un devoir : celui d'assurer la sécurité de M. Beshara et des personnes présentes», a noté le juge.

M. Beshara, qui était présent au palais de justice de Montréal, lundi, assure qu'il aurait accepté qu'on prenne sa température par la bouche, ou sous le bras.