La Cour suprême viendra clore l'affaire Guy Turcotte, ou y ajouter un nouveau chapitre. L'ex-cardiologue s'adressera au plus haut tribunal du pays, a annoncé Me Pierre Poupart, vendredi matin, alors que la cause de Guy Turcotte revenait devant la Cour supérieure, à St-Jérôme, pour l'ouverture du terme des assises.

M. Turcotte espère faire invalider la décision de la Cour d'appel ordonnant qu'il subisse un nouveau procès pour le meurtre de ses deux enfants. Les procédures sont en quelque sorte suspendues en Cour supérieure, en attendant.

Le procureur de la Couronne, René Verret, a insisté ce matin pour qu'une date de procès soit quand même fixée, puisque la décision de la Cour suprême, qui pourrait être un refus de se pencher sur l'affaire, ne devrait pas prendre beaucoup plus que trois mois à être connue. Me Verret invoquait notamment la confiance du public dans le système de justice. Me Poupart a pour sa part plaidé que la «clameur publique» ne devait pas influencer les procédures. Coïncidence, c'est le juge Marc David, qui a mené le procès de Guy Turcotte en 2011, qui présidait l'ouverture du terme ce matin. Il a refusé de fixer une date de procès comme le demandait Me Verret, car le rôle est déjà rempli. Il n'y a pas de place avant le printemps 2015. M. Turcotte doit être jugé sous deux accusations de meurtre prémédité, comme au premier procès.

À Pinel

M. Turcotte n'était pas présent vendredi matin. Déclaré criminellement non responsable au terme de son procès en juillet 2011, il avait retrouvé une complète liberté en décembre 2012. Il a été réincarcéré le 13 novembre dernier, le jour même du jugement rendu par la Cour d'appel. Après un bref séjour à la prison de St-Jérôme et au centre de détention de Rivière-des-Prairies, il a été transféré à l'Institut Philippe-Pinel.           

Une personne qui veut présenter une demande d'autorisation d'appel à la Cour suprême dispose de 60 jours après le jugement pour le faire. Dans le cas de M. Turcotte, la date limite est lundi prochain, le 13 janvier. La Cour suprême reçoit environ 600 demandes d'autorisation d'appel par année, et elle en accepte 80.

M. Turcotte a poignardé ses enfants, Olivier, cinq ans, et Anne-Sophie, trois ans, en février 2009. Il a bu du lave-glace pour s'enlever la vie, mais a survécu. Le drame est survenu dans un contexte de séparation d'avec sa conjointe, Isabelle Gaston, médecin elle aussi.

Lors du procès, deux psychiatres présentés par la défense ont fait valoir que M. Turcotte n'avait plus son libre arbitre en raison d'une maladie mentale (un trouble d'adaptation avec anxiété et humeur dépressive, et la consommation de lave-glace. Le psychiatre présenté par la Couronne était d'accord avec le type de trouble mental, mais a soutenu que M. Turcotte était tout de même en mesure de savoir que ce qu'il faisait.

Au bout de six jours de délibérations, le jury avait rendu le verdict que l'on sait. La Cour d'appel a estimé que le juge Marc David avait commis une erreur dans ses directives. Il aurait fallu qu'il départage la maladie mentale de l'intoxication. La Cour d'appel mettait en relief le jugement rendu par la Cour suprême dans l'affaire Bouchard-Lebrun, rendu quatre mois après la fin du procès de M. Turcotte.

Tommy Bouchard-Lebrun était un jeune homme sans histoire, jusqu'à ce qu'un jour, il se mette à consommer de l'ecstasy et des amphétamines avec un ami qui souffrait de maladie mentale. M. Bouchard-Lebrun a été entraîné dans le délire de l'autre. Les deux se sont rendus dans un immeuble à appartements en pleine nuit, à Amqui, et M. Bouchard-Lebrun a attaqué un sexagénaire, qu'il prenait pour l'antéchrist. L'homme, qui avait été frappé à coup de pied à la tête, était resté invalide. Le jeune Bouchard-Lebrun avait été déclaré coupable de voie de fait grave au terme de son procès, et condamné à cinq ans de prison. La Cour suprême a maintenu le verdict. L'intoxication volontaire ne peut conduire à une non-responsabilité criminelle avait décrété la Cour suprême.