Huit ans après la mort de leur fils, les parents de Raymond Ellis étaient de retour au tribunal, hier. Encore une fois, le couple âgé a dû écouter un procureur de la Couronne décrire en détail la fin atroce du jeune homme de 25 ans, rué de coups et poignardé à 11 reprises après avoir été pris à tort pour un membre d'un gang de rue rival.

Le second procès de deux personnes soupçonnées d'être impliquées dans cette sordide agression, Evens Belleville, 29 ans, et John Tshiamala, 28 ans, s'est ouvert hier au palais de justice de Montréal. Ils sont tous deux accusés d'homicide involontaire.

Le juge Michael Stober a indiqué au jury que cette «affaire judiciaire avait procédé dans le passé», sans donner plus de détails. Une ordonnance de non-publication interdit aux médias de rapporter ce qui est survenu lors des étapes judiciaires antérieures.

Hier, les parents de Raymond Ellis se sont assis dans les premières rangées. Ils n'ont pas accordé d'entrevue aux médias pour ne pas nuire au processus judiciaire.

Les deux accusés ne sont pas les seuls responsables de la mort de Raymond Ellis, a souligné la Couronne lors de son résumé de la preuve qu'elle entend présenter au procès.

«Nous ne nions pas que d'autres personnes étaient impliquées. [...] L'homicide résulte de l'attaque d'une meute. John Tshiamala et Evens Belleville faisaient partie de cette meute», a dit au jury Me Alexandre Dalmau, de la poursuite.

Le bar Aria

Raymond Ellis, diplômé du Collège Dawson, venait d'ouvrir avec deux associés une boutique de vêtements au centre-ville de Montréal. Le 23 octobre 2005, les trois amis ont décidé d'aller faire la fête au bar Aria, un after-hour du centre-ville.

À l'étage, un DJ faisait jouer de la musique hip-hop. «L'ambiance était survoltée», a décrit la poursuite. Ce même soir, un groupe d'hommes était présent au même étage du bar. Plusieurs portaient un chandail à l'effigie d'un ami mort, un certain «Rudy».

Des gens du groupe se sont mis à scander «C'Zup», un cri de ralliement d'un gang de rue d'allégeance bleue, en agitant des foulards bleus. Certains se sont ensuite approchés d'Ellis de façon «menaçante», selon la poursuite. L'un des membres du groupe a montré Ellis du doigt en disant: «C'est lui qui a tué notre ami.» Ellis n'avait pourtant rien à voir avec eux.

Dix, quinze, vingt, peut-être même trente personnes ont attaqué la victime, selon la poursuite. Ellis a été rué de coups de poing et de coups de pied. Il a tenté de s'enfuir, sans succès. «On a sauté sur lui à pieds joints», a enchaîné Me Dalmau.

Des agents de sécurité du bar ont tenté d'intervenir, en vain. Le jeune homme a été poignardé à 11 reprises. Transporté à l'hôpital, il a succombé à ses blessures le matin même.

24 clients arrêtés

Ce matin-là, la police a arrêté 24 clients à leur sortie du bar. Les deux accusés étaient parmi eux. Du sang de la victime a été retrouvé sur les pantalons et les souliers de Tshiamala. Belleville, lui, portait un chandail à l'effigie de «Rudy». Ses pantalons et ses souliers étaient aussi couverts du sang de la victime.

La police a également retrouvé un chandail abandonné dans les toilettes et imbibé du sang de la victime. Ce chandail aurait été porté par Tshiamala, puisqu'on y a trouvé son profil génétique, toujours selon la poursuite, qui fera entendre un biologiste à ce sujet plus tard au procès.

Un couteau, enveloppé dans un autre chandail, a également été trouvé dans une poubelle. Il n'y a pas de preuve que les deux accusés ont eux-mêmes poignardé la victime, a expliqué la poursuite. «Ceci importe peu», puisqu'ils faisaient partie de la «meute», a nuancé Me Dalmau.

«Certains participants à l'attaque demeureront inconnus», a prévenu la poursuite, demandant du même souffle aux jurés d'être «patients et attentifs». Leur rôle n'est pas de trouver tous les coupables, mais bien de déterminer si Tshiamala et Belleville sont coupables, a expliqué le procureur de la Couronne. Le bar Aria possédait des caméras de surveillance, mais aucune n'enregistrait cette nuit-là.

Au cours du procès, une trentaine de personnes viendront témoigner à la demande de la poursuite, dont deux personnes arrêtées en compagnie des accusés. «Peut-être aurez-vous des doutes sur leur crédibilité», a prévenu Me Dalmau. Ceci étant dit, ils viendront apporter un éclairage sur ce qui s'est déroulé cette nuit-là, a-t-il ajouté. La poursuite entend aussi mettre en preuve des déclarations antérieures faites par l'accusé Tshiamala.

Le procès devrait durer plusieurs semaines.