Un Autochtone condamné pour homicide involontaire a obtenu gain de cause, vendredi, alors qu'il contestait son jugement en raison de l'exclusion systématique des Premières Nations du processus de sélection des jurés.

Dans une décision partagée, la Cour d'appel de l'Ontario indique que l'absence de jurés autochtones a constitué une violation des droits constitutionnels de Clifford Kokopenace.

«L'intégrité du processus a été considérablement compromise par l'inattention du gouvernement face à un problème connu et qui ne cesse de s'aggraver et ce, année après année», a tranché la cour.

«Ce que la province savait, ou aurait dû savoir, était considérable, alors que ce qui a été fait en contrepartie était minime.»

Le tribunal a ordonné la tenue d'un nouveau procès pour Clifford Kokopenace, condamné en 2008 pour avoir poignardé à mort l'un de ses amis sur la réserve de Grassy Narrows, dans le nord-ouest de l'Ontario.

La Cour d'appel avait dans un premier temps maintenu la condamnation pour homicide involontaire, la jugeant raisonnable, mais avait suspendu le verdict dans l'attente d'une issue à ce problème constitutionnel que posait le dossier.

L'avocat de la nation Nishawbe Aski, Julian Falconer, a déclaré que la décision du tribunal créait un précédent quant à la manière dont le gouvernement ontarien gère les questions juridiques liées aux Premières Nations.

«Cette affaire revêt une énorme importance puisqu'elle ne laisse planer aucun doute sur l'extrême négligence qu'a démontrée le ministère du Procureur général et sa propension à exclure les Premières Nations dans la sélection des jurés», a souligné Me Falconer.

Les années de sous-représentation des Autochtones ont notamment été révélées par des enquêtes de coroners sur deux décès, en 2007, dans le nord de l'Ontario.

En 2008, la sélection des jurés à Kenora comprenait 699 candidats, dont seulement 29 - ou 4,1 pour cent -, étaient des résidants des réserves. Or, la population de la région était composée à environ 33 pour cent d'Autochtones.

«Non seulement les tribunaux canadiens ont commenté la dure réalité de la surreprésentation des Autochtones dans le système de justice; ils ont également observé que les racines de cette tendance se trouvaient dans une attitude discriminante pervertissant l'administration de la justice», a indiqué le juge Harry LaForme, rédigeant le jugement au nom de la majorité.

Queen's Park a de son côté plaidé que les représentants de la justice avaient fait de leur mieux afin d'assurer la présence d'un juré représentatif. Le gouvernement affirme toutefois que le manque de collaboration des leaders des Premières Nations et certaines clauses sur la vie privée avaient rendu le processus difficile.

Mais la Cour d'appel a refusé ces excuses, affirmant que le gouvernement aurait dû en faire davantage pour remédier à la situation.

«La qualité des efforts laisse grandement à désirer et ce, à plus forte raison face à l'ampleur et à la nature du problème», indique-t-on dans le jugement.

Le ministère du Procureur général a déclaré vendredi ne pas pouvoir commenter le jugement puisqu'il est en cours de révision.