La chambre hyperbare pourrait avoir été le tombeau des filles d'Adèle Sorella. Si elles s'étaient trouvées ensemble dans cet appareil fermé hermétiquement, mais non branché, Amanda, neuf ans, et Sabrina, huit ans, auraient mis environ une heure et demie pour mourir.

C'est ce qui se dégage du témoignage que Jean Brazeau, expert en chimie et explosions du Laboratoire de sciences judiciaires et légales, a rendu ce matin au procès d'Adèle Sorella.

M. Brazeau a été appelé en juin 2009 par les enquêteurs de Laval pour expertiser la chambre hyperbare qui se trouvait dans la maison d'Adèle Sorella le 31 mars 2009, jour de la mort de ses filles. Mme Sorella avait acheté cet appareil l'année précédente, au coût de 24 000 $, pour traiter l'arthrite juvénile de sa cadette, Sabrina.

Une chambre hyperbare sert à donner de l'oxygène plus concentré à la personne qui s'y trouve. L'appareil sépare l'azote de l'air et concentre l'oxygène. Mais l'appareil destiné à améliorer la vie peut aussi l'enlever, si l'on se fie au témoignage de M. Brazeau. S'il est privé d'apport d'air pendant qu'une personne s'y trouve, il devient un vase clos. Comme les enfants qui, en jouant à la cachette, vont se cacher dans un frigo, ne peuvent plus en sortir, et meurent par manque d'oxygène, a illustré M. Brazeau. L'expert a signalé qu'en 15 ans de pratique au Laboratoire, il avait fait 200 dossiers d'explosifs, et «trois ou quatre dossiers de vases clos», dont celui d'enfant mort dans un frigo.

M. Brazeau a donc examiné l'appareil, et n'y a trouvé aucune fuite. Une fois fermé, il était complètement hermétique. Il a confirmé cela en mettant une chandelle allumée dans la chambre hyperbare fermée, mais non branchée au mécanisme qui apporte de l'oxygène. Au bout de deux heures, l'oxygène avait baissé dans la chambre hyperbare, au point de faire sonner l'alarme du petit détecteur de gaz toxiques, qu'il y avait aussi inséré. Il s'agit d'un appareil qu'utilisent les pompiers avant d'entrer sur les lieux d'un incendie. Pour entrer sans masque à oxygène, un pompier doit obtenir au moins 19,5 % d'oxygène dans l'air et pas plus de 23 parties par millions de monoxyde de carbone. Avec la chandelle, après deux heures, le taux d'oxygène était à 19,7, et le monoxyde de carbone était à 33.

Comme une chandelle, l'humain brûle de l'oxygène en respirant, a fait valoir M. Brazeau. À partir de 13 % d'oxygène dans un vase clos, des dommages irréversibles au cerveau apparaissent, et la mort s'ensuit. L'expert a donc fait des calculs pour savoir ce qui serait advenu si, au lieu d'une chandelle, c'était un enfant de l'âge et de la taille de Sabrina, 28 kilos, qui s'était trouvé dans la chambre hyperbare. Son temps de survie aurait été de quatre heures. Pour une enfant de l'âge et de la taille d'Amanda, 51 kilos, donc plus corpulente, cela aurait pris deux heures et demie. Il a aussi calculé que si elles s'étaient trouvées ensemble dans l'appareil, leur temps de survie aurait été d'une heure et demie.

Rappelons que Adèle Sorella est accusée du meurtre prémédité de ses deux filles. Le matin du 31 mai 2009, elles ont été vues vivantes en compagnie de leur mère au domicile familial de la rue de l'Adjudant, à Laval. Vers 16 h 35, elles ont été trouvées mortes, allongées côte à côte dans la salle de jeu. Elles ne présentaient aucune marque de violence. Leur mère était pour sa part introuvable. Elle a été arrêtée une douzaine d'heures plus tard, en pleine nuit, après avoir percuté un poteau avec sa voiture. Elle était dépressive, notamment du fait que son mari, le mafieux Giuseppe De Vito, était en fuite depuis 2006.

Le procès se poursuit cet après-midi.