Embourbée dans les problèmes financiers et dépassée par l'ampleur de la tâche, Doriane Champagne a laissé dépérir ses chevaux, qu'elle adorait pourtant. Son rêve de tenir un refuge pour chevaux a tourné au cauchemar en quelques années seulement.

Au terme de son procès devant juge et jury, la semaine dernière, à Saint-Jean-sur-Richelieu, la femme de 44 ans, une cavalière expérimentée, a été déclarée coupable d'avoir causé des douleurs et souffrances inutiles à ses chevaux. Elle en avait 17 en tout, dans le ranch qu'elle exploitait au 534, rang Edouard VII, à Saint-Jacques-le-Mineur.

Mal nourries, peu abreuvées et pas entretenues, les bêtes ont été saisies par la SPCA le 25 octobre 2010. Certaines étaient d'une grande maigreur et piétinaient dans une surface couverte d'un pied de boue et d'urine. Parmi elles, il y avait des chevaux miniatures qui grappillaient dans un tas de fumier pour trouver à se nourrir. Il y avait aussi un vieux perroquet, une chèvre, trois chattes enceintes, un lapin, des chiens... Deux des chevaux ont dû être euthanasiés. Le vétérinaire qui a témoigné au procès a dit qu'il n'avait jamais vu de chevaux aussi maigres.

»Une histoire bien triste»

Hier, Mme Champagne était de retour devant le tribunal pour recevoir sa peine. En résumant les faits, la juge de la Cour supérieure, Hélène Di Salvo a signalé qu'il s'agissait d'une «histoire bien triste.» Il ne s'agit pas ici d'actes sadiques ni de cruauté délibérée. La juge est persuadée que Mme Champagne dit vrai quand elle assure aimer les animaux. Mais posséder des animaux exige qu'il faille s'en occuper. Malgré l'avis d'un vétérinaire qui lui avait conseillé de vendre des chevaux pour réduire sa tâche, Mme Champagne s'est entêtée à garder son cheptel.

Mme Champagne avait acheté l'écurie en 2007. Les faits qui lui étaient reprochés se sont produits entre le 1er février 2010 et le 1er novembre 2010. À cette époque, rien n'allait plus. Le courant avait été coupé, parce qu'elle devait des milliers de dollars à Hydro-Québec. Résultat: sans pompe, il fallait apporter l'eau avec des seaux. Des hypothèques légales avaient été mises sur ses propriétés. Mme Champagne n'avait plus d'argent. De six balles de foin par jour nécessaires au troupeau, les animaux n'en recevaient plus qu'une, et encore, pas tous les jours. Pire, c'était du foin de mauvaise qualité. Ce sont des voisins qui, voyant les chevaux laissés à eux-mêmes, amaigris, mal en point et la tête basse, ont donné l'alerte.

«Sans l'intervention de la SPCA, beaucoup de chevaux n'auraient pas survécu», a noté la juge. Le procureur de la Couronne Nicola Rochon et l'avocat de la défense, Serge Lavallée, suggéraient une peine avec sursis et une probation. La juge a entériné cette suggestion, qu'elle trouvait raisonnable. Mme Champagne devra aussi accomplir des travaux communautaires. Elle devra également respecter certaines conditions, dont celles de ne pas posséder d'animaux autres que ses trois chiens.

Manque d'argent

Mme Champagne a indiqué à La Presse qu'elle avait demandé de l'aide, à l'époque, mais qu'il n'y avait aucun programme disponible. Elle affirme aussi que les chevaux euthanasiés étaient très âgés. L'un d'eux avait 40 ans assure-t-elle. «Je l'avais depuis l'âge de 3 ans.

«C'est le problème de beaucoup de refuges, a commenté Me Lavallée. Ils aiment les animaux mais n'ont pas de moyens et ne font pas d'argent. C'est plus facile de ramasser des animaux que des les garder. Surtout pour le cheval, qui se situe entre l'animal domestique et le bétail. La moitié des chevaux vendus à l'encan se retrouvent à l'abattoir.»

Mme Champagne doit subir un autre procès en septembre, parce qu'un de ses chiens aurait causé un grave accident de la route, en juillet 2010. En écrasant le chien, un camion a dévié de sa route, et provoqué un accident qui a causé de graves blessures à deux motocyclistes.