Lorsqu'elle a poignardé la septuagénaire chez qui elle résidait, Ellen Dennett a-t-elle agi sur le coup d'un «accès de colère causé par une provocation soudaine» ou était-elle plutôt en maîtrise d'elle-même et tout simplement furieuse?

C'est ce que la juge Sophie Bourque aura à déterminer après avoir entendu les plaidoiries qui ont clôturé vendredi le procès d'Ellen Dennett au palais de justice de Longueuil.

L'avocat de l'accusée, Me Giuseppe Battista, a demandé à la juge de réduire l'accusation de meurtre non prémédité à celle d'homicide involontaire. Il soutient que sa cliente a perdu le contrôle (snap) après que la victime, Kathleen Livingstone, une femme de 78 ans en fauteuil roulant, l'eut «provoquée» de façon «soudaine».

Le matin du 23 juin 2011, Ellen Dennett, 59 ans, travaillait au sous-sol du domicile de Mme Livingstone, à Brossard, lorsque cette dernière l'a interpellée pour lui demander de l'accompagner à l'extérieur. Selon son témoignage, Mme Dennett lui a répondu qu'elle n'était pas en état de sortir. Une altercation s'est est suivie. Mme Livingstone lui aurait alors reproché d'avoir «laissé sa fille pour un perdant comme son fils».

Ellen Dennett, montréalaise d'origine, avait quitté la Californie deux mois plus tôt après avoir rencontré sur Facebook le fils de la victime, Robert Livingstone. Elle a laissé derrière elle son emploi, son appartement, son animal de compagnie et sa fille, adulte et mariée. Juste avant son départ, Ellen Dennett a appris que Robert Livingstone, de qui elle était tombée amoureuse, lui avait menti à plusieurs reprises. Bien qu'elle savait que sa relation avec lui était terminée,  elle a tout de même choisi d'aller à Montréal dans l'espoir de régler la situation. À la demande de Mme Livingstone, qui avait besoin d'aide à domicile, elle s'est installée chez elle. Selon l'accusée, cette dernière la critiquait sans cesse.

«Est-ce si difficile à croire qu'une personne ordinaire perde les pédales dans ce contexte?» a demandé Me Battista.

Selon ce qu'elle a admis aux policiers, Ellen Dennett a poussé la vieille dame en bas des escaliers. Elle est allée chercher un couteau à la cuisine et l'a poignardée aux côtes et au dos. Lorsque la lame a cassé, elle est allée chercher un autre couteau à la cuisine. Elle est redescendue au sous-sol et l'a poignardée à mort au thorax.

Dennett a ensuite lavé le couteau et déplacé le corps de la victime dans une autre pièce. Le lendemain, elle a loué une chambre d'hôtel dans le Vieux-Montréal avec la carte de crédit de la victime. Selon son avocat, elle avait l'intention d'y mettre fin à ses jours et c'est pour raison qu'elle a apporté l'arme du crime dans ses bagages. Sa fille, avec qui elle a communiqué par messages texte de sa chambre d'hôtel, l'en aurait toutefois dissuadé. Les policiers l'ont arrêtée le surlendemain du drame.

L'avocat de la Couronne, Me Sacha Blais, estime que la preuve recueillie - incluant une vidéo dans laquelle elle confesse son crime aux enquêteurs - est suffisante pour prouver la culpabilité pour meurtre.

Il a souligné que l'accusée avait fait deux allers-retours entre le sous-sol et la cuisine pour aller chercher des couteaux et qu'elle n'a rien fait pour lui venir en aide. «Elle l'a laissé mourir», a-t-il résumé.

Me Blais soutient que les commentaires de la victime sur la fille d'Ellen Bennett ne sont pas de nature à priver une personne normale du contrôle sur soi. Il a souligné que la victime a fait des remarques semblables à plusieurs reprises au cours de leur brève cohabitation. «Elle savait ce qu'elle faisait.»

Pendant les plaidoiries de la défense, le fils de la victime, Robert Livingstone, a quitté la salle d'audience en larmes. «J'espère qu'elle passera le reste de sa vie en prison», a-t-il dit aux médias au terme de l'audition.

La juge rendra son verdict le 15 mars.