Une semaine jour pour jour après une vague de sept surdoses non mortelles liées au fentanyl, ce puissant opioïde pourrait être à l'origine de la mort de deux frères, vendredi, dans le secteur Centre-Sud à Montréal. Si cela s'avérait, il s'agirait des troisième et quatrième morts causées par le fentanyl depuis le début de l'année dans la métropole. C'est toutefois l'autopsie qui va le déterminer. Une enquête du coroner a aussi été ouverte.

Au moment d'écrire ces lignes, vendredi soir, les enquêteurs du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM) étaient lancés dans une course contre la montre pour retrouver le fournisseur de la drogue, l'appréhender et retirer celle-ci de la circulation.

Il était environ 11 h 15 vendredi matin lorsqu'un livreur d'essence s'est présenté à la station-service Pétro-Canada située à l'angle du boulevard De Maisonneuve et de l'avenue De Lorimier, sous le pont Jacques-Cartier. Il a remarqué une voiture garée dans le stationnement du commerce qui gênait ses manoeuvres et il est sorti de son lourd véhicule pour s'en approcher. Mais lorsqu'il s'est penché à l'une des vitres, il a vu deux corps inanimés. Il a cogné sur la vitre, espérant susciter une réaction, en vain. Un appel a été fait au 911 et la mort des deux hommes a été confirmée peu après l'arrivée des policiers et des ambulanciers paramédicaux d'Urgences-santé.

Selon nos informations, les victimes âgées de 53 et 54 ans, qui seraient connues des policiers comme des consommateurs de drogues dures, seraient deux frères au début de la cinquantaine qui résidaient à l'extérieur de Montréal. Il semble que leur voiture était garée à cet endroit depuis la veille, en milieu de soirée. Les deux hommes étaient donc peut-être morts depuis au moins une douzaine d'heures lorsque leurs corps ont été découverts.

« Des accessoires de consommation ont été retrouvés à l'intérieur  du véhicule. »

- L'agent Raphaël Bergeron, de la police de Montréal

Selon nos sources, on a retrouvé des seringues et des sachets contenant des stupéfiants qui ont été envoyés d'urgence dans un laboratoire pour analyse.

L'enquête a été confiée aux enquêteurs de la section Crime de violence (CDV) de la division Sud. Vendredi soir, ceux-ci tentaient de remonter la piste et d'identifier la provenance et le fournisseur de la drogue mortelle. Ils vérifieront certainement s'il s'agit du même réseau à l'origine de sept surdoses non mortelles de fentanyl survenues en quelques heures, vendredi dernier, dans le quartier Hochelaga-Maisonneuve. Les enquêteurs de la section CDV Est avaient rapidement identifié la source de la drogue et effectué des perquisitions qui ont mené à l'arrestation de cinq individus dans la même soirée.

D'AUTRES CAS POSSIBLES

Au début de la semaine, le SPVM a confirmé deux morts officielles par fentanyl depuis le début de l'année. Les deux de vendredi matin pourraient donc devenir les troisième et quatrième. Le SPVM a aussi enregistré une dizaine de surdoses non mortelles de fentanyl depuis le 1er janvier.

Des sources au SPVM ont confié que, pour le moment du moins, le corps de police n'entendait pas modifier sa structure ou prendre des mesures supplémentaires pour faire face à ce phénomène. Les cas de surdoses de fentanyl sont coordonnés par la section Crime de violence de la division Est et par la Division du crime organisé (DCO). La Direction de santé publique suit aussi la situation de près.

Urgences-santé fait état d'un 11e cas possible de surdose de fentanyl, survenu dimanche dernier. « Le patient était décédé depuis plusieurs heures à l'arrivée des ambulanciers. Nous n'avons donc pas utilisé le naloxone, et nous n'avons aucune manière de confirmer si le fentanyl était impliqué ou pas », a expliqué le porte-parole d'Urgences-santé Benoît Garceau.

Tout près du centre hospitalier de St. Mary, des employés médicaux ont aussi porté assistance, vendredi, à une femme victime d'une surdose dans un stationnement privé. Selon la porte-parole de l'hôpital Claire Roy, après vérification, le fentanyl ne semblait cependant pas être en cause.

Urgences-santé dit ne pas avoir encore fait de bilan précis, « mais il semble ne pas y avoir eu tellement de cas nécessitant l'administration de naloxone pendant le reste de la semaine », précise le porte-parole Benoît Garceau.

PAS ENCORE DE CRISE

Les groupes d'aide aux utilisateurs de drogues injectables, à l'affût depuis la semaine dernière, n'ont quant à eux rapporté aucune recrudescence des cas de surdose depuis le début de la semaine. « Il semble que la situation s'est calmée, mais ce n'est qu'une question de temps avant qu'il y ait une nouvelle vague », croit Jean-François Mary, directeur général de l'Association québécoise pour la promotion de la santé des personnes utilisatrices de drogues.

L'organisme Méta d'Âme souhaite augmenter de façon importante au cours des prochains jours le nombre de formations qu'il donne pour l'administration du naloxone, antidote qui arrête momentanément les effets du fentanyl.

« Le naloxone reste le dernier recours. Il faut aussi axer la stratégie de santé publique sur la prévention. »

-  Guy-Pierre Lévesque, directeur général de Méta d'Âme

« Il faut expliquer aux utilisateurs comment mieux gérer leur consommation, d'y aller doucement et à petites doses, parce que même s'ils savent qu'il y a du fentanyl dans les rues, ils vont se l'injecter pareil. Ce sont des drogues à très forte dépendance, qui ont des effets physiques de sevrage. Il faut travailler sur les comportements », plaide le directeur général de l'organisme, Guy-Pierre Lévesque.

Des dizaines de fois plus puissante que la morphine, cette drogue est responsable de centaines de pertes de vie dans l'Ouest canadien et partout ailleurs en Amérique. Mêlée à l'héroïne, elle provoque fréquemment des arrêts respiratoires.