« Une structure n'est pas supposée coûter des vies humaines », déplore Yves Ouellet. Le directeur général de la FTQ-Construction se « bat tous les jours » pour améliorer la sécurité sur les chantiers et digère mal la mort tragique de Dany Cléroux, ce travailleur emporté par les eaux tumultueuses du fleuve Saint-Laurent mardi. Il promet que les travaux de reconstruction du pont Champlain seront étroitement surveillés pour s'assurer qu'ils soient « faits sécuritairement ».

Mardi midi, le père de famille de 44 ans, affilié à la FTQ-Construction, travaillait seul sur une plateforme située sous l'estacade du pont Champlain, vers le milieu du fleuve Saint-Laurent. Alors qu'il faisait une manoeuvre de déplacement d'une plateforme, celle-ci a cédé pour une raison inconnue. Le travailleur d'expérience a fait une chute de quelques mètres dans l'eau avant de sombrer. Son corps a été retrouvé par un plongeur en début de soirée hier.

« Les travailleurs qui travaillent en ce moment sur le pont Champlain voient le film de ce qui s'est passé hier en boucle dans leur tête. C'est une tragédie », soupire Yves Ouellet, en entrevue avec La Presse. Le directeur général de la FTQ-Construction attend toutefois d'obtenir les résultats de l'enquête de la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST) avant de se prononcer sur l'accident de l'estacade.

Néanmoins, il s'insurge contre la mort accidentelle d'une quinzaine de travailleurs de la construction, bon an, mal an, et réclame des changements profonds dans l'industrie. « Il va falloir que les donneurs d'ouvrage planifient les travaux et arrêtent de pousser les travailleurs. [...] Ce n'est pas vrai qu'il n'y aura pas d'accident quand tu pousses le monde, c'est impossible. Ça prend de la planification », martèle-t-il, réclamant davantage de représentants en prévention syndicale sur les chantiers.

Hommage à Dany Cléroux

« J'ai perdu aujourd'hui l'homme de ma vie ! Mon complice, mon amoureux de tous les jours ! », a écrit hier sur Facebook la conjointe de Dany Cléroux dans un véritable cri du coeur. L'homme de Sainte-Marthe-sur-le-Lac travaillait pour Groupe TNT depuis plus de 10 ans. Sortant de son mutisme, son employeur lui a rendu hommage hier dans un communiqué. « M. Dany Cléroux était un contremaître de chantier compétent, apprécié, expérimenté et soucieux de la sécurité [...]. Sa perte est une épreuve très difficile pour sa famille et ses proches, mais également pour tous ses collègues de travail et l'entreprise. » Il n'a pas été possible d'obtenir une entrevue avec Groupe TNT. La conjointe de M. Cléroux a également décliné notre demande d'entrevue.

Les travaux effectués sous l'estacade sont interrompus jusqu'à nouvel ordre par la Commission de la santé et de la sécurité du travail (CSST). « Notre décision d'interdire l'accès aux plateformes volantes est toujours maintenue tant et aussi longtemps qu'on n'aura pas reçu un avis [de l'employeur] qui présente les procédures de travail », indique Maxime Boucher, porte-parole de la CSST. Cette interdiction ne s'applique toutefois pas aux travaux menés au-dessus de l'estacade. Les circonstances exactes de l'accident ne devraient pas être connues avant des mois. « Notre enquête vise les pièces d'équipement et les méthodes de travail. On va s'attarder sur l'ensemble de ces éléments-là pour mettre en lumière les causes de l'accident. »

L'entreprise Groupe TNT semble avoir un bon bilan en matière de sécurité au travail, puisqu'un seul constat d'infraction a été signifié par la CSST au cours des dernières années, selon le plumitif consulté par La Presse. Groupe TNT a plaidé non coupable à l'infraction en mars dernier. On ignore la nature de celle-ci.