Le pire des scénarios semblait se confirmer, tard hier soir, quand les autorités néo-zélandaises ont annoncé la découverte d'un deuxième corps dans les débris d'une avalanche, non loin de la Kepler Track, cette randonnée que les Québécois Étienne Lemieux et Louis-Vincent Lessard avaient prévu pour le 7 juillet.

«Les deux corps ont été transportés dans la ville de Te Anau, où ils seront formellement identifiés», a annoncé la police de la Nouvelle-Zélande. «Les familles de Louis-Vincent et Étienne ont été avisées des derniers développements.»

Tôt hier, les équipes de recherche et de sauvetage avaient annoncé avoir retrouvé un premier cadavre dans des débris d'avalanche, à environ 350 mètres de la Kepler Track, sur le flanc du mont Luxmore, entre les refuges Hanging Valley et Iris Burn. C'est dans le même secteur que le deuxième corps a été repéré.

L'identité des deux victimes n'a pas été confirmée. «Mais la randonnée n'est pas très populaire en hiver. Je ne pense pas que quiconque s'y soit aventuré depuis un bon moment», a cependant confié Grant Tremain, coordonnateur de la conservation au département de la Conservation de la Nouvelle-Zélande, qui gère le parc.

Une journée éprouvante

Dans l'entourage des deux jeunes hommes, la journée d'hier a été longue, pénible et triste. «On va arrêter de se faire des faux espoirs. Ce n'est pas une histoire qui se finit bien», a laissé tomber Maxime Roy-Bouchard, un ami de Louis-Vincent Lessard depuis la 1re année du primaire. «J'essaie d'être fâché contre quelque chose...», a-t-il ajouté, comme pour tenter de donner un sens aux événements.

Comme Maxime Roy-Bouchard, Phil Vincent a décrit son ami comme un homme jovial. «C'était un voisin de quartier qui est devenu un meilleur ami», a déclaré celui qui a surtout côtoyé le randonneur pendant son enfance, à Shefford, dans les Cantons-de-l'Est. «Je le voyais comme un frère, ou presque.»

À la boutique Le Yéti, à Montréal, Louis-Vincent Lessard était à l'horaire, samedi. Il devait alors retrouver l'emploi de conseiller dans la section de ski et de vélo qu'il occupait depuis un peu plus d'un an.

Mais les choses se sont passées autrement. «On a avisé les employés: s'ils ne se sentent pas bien, ils peuvent rentrer à la maison», a affirmé le gérant du magasin de plein air, Dominic Denault Pilon. «Louis-Vincent, c'était un tripeux de ski, de vélo de montagne, de plein air. Il en mangeait», a-t-il ajouté.

Dans sa ville natale, le jeune homme se plaisait à grimper le mont Shefford, skis de haute route aux pieds. «Ce n'était vraiment pas la première fois qu'il en faisait [du hors-piste]», a attesté son ami Maxime Roy-Bouchard. «Il avait déjà fait un voyage de ski dans les Alpes françaises. Mais ce n'était pas le même niveau», a-t-il évalué.

Les amis et la famille d'Étienne Lemieux sont restés plus discrets, et ont demandé aux médias de vivre cette période difficile en paix.

Dernier signe de vie

Étienne Lemieux et Louis-Vincent Lessard, tous deux étudiants en design industriel à l'Université de Montréal, ont donné signe de vie pour la dernière fois le 6 juillet. Ils ont passé la nuit dans une auberge de jeunesse de Queenstown, dans l'île du Sud de la Nouvelle-Zélande. Ils y ont rencontré des Canadiennes.

Les jeunes hommes ont donné rendez-vous à leurs nouvelles amies à leur retour de leur randonnée sur la Kepler Track, a expliqué le père de l'un d'eux à La Presse. «Mais ils ne se sont jamais présentés», a-t-il ajouté.

Les deux amis avaient prévu d'entreprendre leur randonnée le 7 juillet et de compléter le trajet en trois jours.

Mais une avalanche les aurait surpris alors qu'ils descendaient le mont Luxmore, qui culmine à 1500 mètres. Le centre de surveillance des avalanches dans le parc national de Fiordland est fermé en hiver, car cette saison constitue la saison basse.

Or la Kepler Track demeure ouverte de la fin du mois d'avril à la fin d'octobre, et les avalanches y sont fréquentes. Les balises des pistes sont souvent recouvertes de neige et les ponts permettant de traverser les cours d'eau sont retirés.

Des avalanches meurtrières

Hier, des amis ont exprimé des craintes quant à l'équipement que les deux jeunes hommes avaient transporté. Or, sans le matériel adéquat, il est fort difficile de survivre à une avalanche, a expliqué le directeur général d'Avalanche Québec, Dominic Boucher.

«Quand une personne se fait prendre, les statistiques démontrent que les chances de la retrouver en vie diminuent après cinq à dix minutes», a-t-il affirmé. «Au-delà de 15 minutes, il y a une chance sur deux que la personne soit décédée.»

Une fois sous la neige, les risques de s'intoxiquer sont élevés. «Quand on respire dans une poche d'air, sous la neige, la chaleur de l'expiration fait glacer ce trou d'air. Ça devient donc un milieu fermé, et c'est comme si on respirait dans un sac de plastique», a illustré Dominic Boucher. «Il n'y a plus d'échange d'air avec le reste du banc de neige, et la présence de gaz carbonique augmente. La personne perd donc connaissance.»

- Avec la collaboration d'Antoine Lacroix, La Voix de l'Est

Photomontage tiré de Facebook