Le monde semblait s'écrouler sous les pieds du père de famille qui a tué son poupon de 10 mois avant de mettre fin à ses jours, dimanche, dans un quartier résidentiel d'Anjou.

Une séparation houleuse, des relations tendues avec les enfants et des désaccords entourant la garde du bébé: Rafal Zembowicz, 39 ans, a opté pour le pire des scénarios pour mettre un terme à ses problèmes.

Vers 22h dimanche, les policiers ont retrouvé son corps et celui du petit Adam dans un cabanon en construction situé à l'arrière de leur bungalow de l'avenue des Vendéens. L'homme se serait pendu.

C'est la mère, inquiète, qui a alerté les policiers en début de soirée, sans nouvelles du père qui profitait de son tour de garde avec le bébé.

La femme de 43 ans a été hospitalisée, en proie à un choc nerveux.

Elle avait tout récemment entamé les démarches pour obtenir le divorce, après environ 20 ans de vie commune.

Les enquêteurs de la Section des crimes majeurs avaient déjà plié bagage hier matin.

Mais dans la cour du bungalow anonyme où s'est joué le drame - où plusieurs vélos et une poussette jonchaient le gazon négligé -, la vue d'un escabeau déplié à l'intérieur du cabanon donnait froid dans le dos.

Un homme rigide

Gentil, travaillant, heureux: les étiquettes qui collaient à Rafal Zembowicz dans le voisinage contrastaient pourtant avec la nature de son geste. Atterrée, Nicole Rouillard, qui habite la maison voisine, était atterrée. Elle a entendu dimanche les hurlements de la mère et n'ose pas imaginer comment a pris fin la courte vie du bébé. «Je ne sais pas comment ça s'est fait et je ne veux pas le savoir!», lance-t-elle.

Du père, elle se souvient d'un homme affable, venu se présenter poliment après avoir emménagé avec sa famille il y a un an environ.

La famille d'origine polonaise avait déjà trois enfants. Le petit dernier était une grossesse-surprise pour le couple.

La famille, qui habitait auparavant un duplex à quelques rues de là, avait amorcé d'importants travaux de rénovation.

Pour Mme Rouillard, les ennuis ont débuté au printemps dernier. «Le père avait apparemment chassé son fils de 18 ans de la maison et sa fille aînée serait ensuite partie à cause de sa trop grande rigidité», explique la voisine, qui était proche des victimes.

«Sa femme me disait qu'elle ne comprenait pourquoi il se comportait ainsi avec les aînés. Même leur autre fille [une adolescente] allait dormir avec sa mère parce qu'elle disait avoir peur de lui», ajoute Mme Rouillard.

Démarches pour divorcer

Le climat aurait alors continué à se détériorer, et la maison a été mise en vente.

C'est à ce moment que la mère a entrepris des démarches pour divorcer. Une requête officielle a été déposée en cour le 30 juin dernier.

Le couple habitait alors sous le même toit. Le père partait souvent se promener avec son bébé en soirée, parfois jusqu'à très tard.

Pour en profiter, justifiait-il.

Quelques jours avant le drame, Rafal Zembowicz semblait faire des détours pour éviter ses voisins lors de ses balades.

Il ne s'arrêtait plus pour leur faire la conversation comme il en avait l'habitude.

Selon Mme Rouillard, la police s'est même présentée chez lui la semaine dernière. Une grosse dispute avait suivi leur visite. Le Service de police de la Ville de Montréal n'a pas pu confirmer cette information.

«Tu n'as pas peur de le laisser seul avec Adam?», a demandé Mme Rouillard à la mère la semaine dernière.

«Non, non, non, il est contrôlant, mais pas violent. Il aime son fils, et un fils a le droit de voir son père», lui a-t-elle répondu.

Puis dimanche, en allant à la messe, Mme Rouillard a vu bébé Adam pour la dernière fois. «Il me faisait des beaux sourires. Je lui ai dit: "Donne un bec à grand-maman"», dit la voisine, avant de fondre en larmes.

Incompréhension

Rafal Zembowicz faisait depuis quelques années l'entretien dans des appartements en copropriété luxueux dans l'Ouest-de-l'Île. Il avait même quelques employés sous ses ordres. C'est son ancien voisin Jacques Martin qui lui avait déniché ce boulot. «Il a toujours été un gars correct, avec une belle famille. Il n'a pas accepté la séparation. Je ne peux comprendre», soupire le voisin, qui a habité durant 15 ans à côté de Rafal Zembowicz et sa famille, un peu plus loin sur l'avenue des Ormeaux.

La grand-mère de la petite  victime, et mère de Rafal Zembowicz, habite toujours au deuxième étage du duplex. L'incompréhension se lisait dans ses yeux lors de notre court passage. «Je ne comprends pas, je ne comprends pas. Il n'était pas violent...», a-t-elle simplement murmuré, avant de se faire réconforter par son voisin.

Sur le palier voisin, quelques femmes discutaient de ce drame qui n'arrive d'ordinaire qu'ailleurs. «La mère était tellement fière de son bébé. Elle le promenait partout. De longues marches. Elle me disait: je vais retrouver ma taille. Elle était heureuse.»

La faute aux médias?

Les drames familiaux viennent souvent en grappes, constate le psychologue Hubert Van Gijseghem, faisant référence aux événements survenus il y a quelques jours à Terrebonne et à Boucherville qui ont coûté la vie à cinq personnes.

«Il n'y a pas vraiment d'explications, mais on observe que ces tragédies viennent en duos, trios et même en quatuors, ici comme en Europe», précise le psychologue spécialisé dans les drames familiaux.

La médiatisation de ces drames peut, selon lui, jouer un rôle dans le subconscient des personnes en grande détresse. «Ça ne veut pas dire que les médias ne doivent pas faire leur travail ou se sentir coupables, mais il faut prendre conscience que le monde dans lequel on vit est désormais un grand village», explique M. Van Gijseghem.

Il invite les médias à faire preuve d'un peu de retenue dans leur couverture des drames familiaux. «On pourrait être un peu plus sobre, mais je comprends pourquoi les médias le font. Parce que la population veut comprendre, mais aussi parce qu'elle veut être sous le choc et stimulée. Sinon, elle s'ennuie», résume le psychologue.

Et contrairement à ce qu'on pourrait croire, il ajoute que le nombre de drames familiaux demeure stable avec les années.