Le maire de l'Assomption, Jean-Claude Gingras, a donné le ton à sa première rencontre avec son chef de police, après les élections de novembre 2013, en lui lançant «je connais très bien le Hells, Normand Casper Ouimet». Il aurait en outre affirmé au chef Normand Desjardins, et ce en présence du directeur général par intérim de l'époque, qu'il est proche d'autres groupes de motards sympathisants des Hells Angels, dont les clubs Deimos Crew et Dark Soul.

Mais ce n'était qu'un début, a expliqué hier le chef de police, au premier jour de son témoignage à l'enquête publique sur l'Assomption. Le maire aurait en effet pris un «ton insistant» pour prévenir qu'il estimait que le service de police collait «trop de billets aux motards pour les silencieux», a affirmé le haut gradé. «J'ai été très étonné. Je me suis demandé les raisons d'une telle affirmation. Je me suis demandé si ce n'était pas une sorte d'intimidation», a-t-il dit aux juges de la Commission municipale du Québec (CMQ).Les relations entre les deux hommes se sont ensuite dégradées pour atteindre un point culminant le 25 janvier 2014, soir de l'arrestation du maire Gingras pour conduite en état d'ébriété. Le maire aurait affirmé au policier qui l'escortait qu'il avait mis les bureaux de son service de police sous écoute. Vérifications faites par une firme par le service, l'information était fausse, a affirmé M. Desjardins. Durant toute cette période, le maire ne cachait pas son intention de faire des coupes dans le personnel policier.

Le chef de police a aussi raconté au procureur en chef de l'enquête, Me Joël Mercier, que c'est le service de police de Repentigny qui a mené les tests d'alcoolémie, par «souci de transparence». Le lendemain, la nouvelle de l'arrestation était diffusée dans tous les médias locaux. Et le maire déclarait sur toutes les tribunes qu'il était victime d'un coup monté, un «set-up», et qu'il n'était pas en état d'ébriété.

«Ce n'était pas un "set-up", a assuré le chef de police à la CMQ. Il n'y avait qu'une voiture de police. L'arrestation du maire s'est déroulée dans les règles de l'art.»

Dans les jours qui ont suivi, des policiers ont déposé quatre griefs pour harcèlement contre le maire Gingras. Et sur la foi d'un affidavit déposé devant la CMQ par le directeur de police de Repentigny, Helen Dion, le maire aurait clairement prévenu qu'il avait l'intention de «congédier son chef de police», début janvier 2014.

Voyant des cadres «dépérir à vue d'oeil», Normand Desjardins a convoqué une réunion dans la foulée, où il rappelé la politique municipale en matière de harcèlement. Quelques jours plus tard, le directeur général par intérim, Dominique Valiquette, l'informait que le maire «ne voulait plus le voir à l'hôtel de ville», en lui précisant de venir quand même.

***

Les conseillers de l'Assomption ont adopté une résolution, au dernier conseil municipal, afin d'imposer un moratoire sur le paiement de factures envoyées sans l'autorisation préalable, en vertu de la loi sur les cités et villes. Il est question d'une somme de plus de 100 000$, notamment en frais de détectives privés pour des cadres pris en filature. Des factures de balayage électronique et d'enquête informatique sont aussi en jeu. La loi est très sévère en la matière, et peut démettre de ses pouvoirs un conseil municipal s'il est prouvé qu'il a agi sciemment.

Normand Casper-Ouimet, un des Hells Angels les plus influents du Québec, a été accusé dans le cadre de l'opération SharQc et Dilingence, en 2009, de 22 meurtres. Il a plaidé coupable pour une peine réduite, au printemps 2014, de complot pour meurtre.