Des décennies d'incompétence, de négligence, d'avarice et de malhonnêteté de la part d'une succession de propriétaires, d'ingénieurs et de représentants municipaux ont mené à l'effondrement mortel d'un centre commercial du nord de l'Ontario il y a deux ans, selon les résultats d'une enquête rendus publics mercredi.

Montrant sévèrement du doigt tous ceux qui ont permis au centre commercial Algo, à Elliot Lake, de rouiller jusqu'à l'effondrement, le commissaire Paul Bélanger ne mâche pas ses mots en désignant les responsables.

«Bien que la charpente du centre commercial Algo ait cédé sous l'effet de la rouille, la véritable histoire sous-jacente de l'effondrement en est une d'erreur humaine et non d'échec matériel», a écrit M. Bélanger.

«Certains de ces manquements étaient mineurs, d'autres ne l'étaient pas. Ils prenaient diverses formes, s'étalant entre apathie, négligence et indifférence, par la médiocrité, l'inaptitude ou l'incompétence, jusqu'à l'avarice pure et simple, l'obscurcissement et la duplicité», a-t-il ajouté.

La tragédie a eu lieu un samedi après-midi ensoleillé de juin 2012, lorsqu'une partie du toit du centre commercial, affaiblie par des décennies de rouille et d'exposition au sel de voirie, s'est finalement effondrée.

Doris Perizzolo et Lucie Aylwin, respectivement âgées de 74 et 37 ans, sont mortes coincées sous les décombres. Dix-neuf autres personnes ont été blessées.

Bien que la mort de Mme Perizzolo ait été rapide, Mme Aylwin pourrait avoir survécu jusqu'à 39 heures, selon M. Bélanger, qui note certains indices permettant de croire qu'elle a été vivante sous les décombres pendant un certain temps: des voix, des bruits étouffés, des cognements et les indications de chiens.

«Il est probable (quoique pas du tout certain) que Mlle Aylwin ait survécu pendant un certain temps après l'effondrement», peut-on lire dans le rapport.

Ce qui est clair, c'est que l'ébauche du désastre a eu lieu dès les années 1970. Le centre commercial était voué à l'échec dès sa conception, estime M. Bélanger.

Installer un stationnement sur le toit était une mauvaise idée. Le «design médiocre» du toit - utilisant une technologie non testée - a empiré la situation.

«Le système a échoué lamentablement dès son installation», peut-on lire.

Pourtant, un grand nombre d'inspections par des architectes et des ingénieurs a eu lieu au cours des 33 années ayant suivi la conception de l'établissement. Ces examens ne se sont toutefois jamais traduits par des réparations adéquates.

Certains ingénieurs ont tout simplement oublié «le fondement moral et éthique» de leur vocation et «se sont parfois davantage pliés aux sensibilités de leurs clients» plutôt qu'à la protection du public, a affirmé le commissaire.

«Certaines de leurs inspections étaient tellement hâtives et incomplètes qu'elles étaient essentiellement inutiles», a-t-il ajouté.

Le commissaire s'est montré particulièrement critique envers Robert (Bob) Wood, l'ingénieur qui avait déclaré sécuritaire le centre commercial quelques semaines seulement avant l'effondrement.

M. Wood, qui fait face à des accusations criminelles en lien avec la tragédie, a admis avoir falsifié son rapport pour apaiser le propriétaire.

«Ses travaux d'examen étaient semblables à ceux d'un mécanicien qui, en inspectant un véhicule au bloc-moteur fissuré, déclare que le véhicule est sûr parce qu'il a bien été repeint», a déploré M. Bélanger.

Selon la commission, les différents propriétaires du centre commercial ont caché les problèmes, puis ont tenté de vendre l'établissement lorsque des réparations mineures n'ont pas suffi.

Le propriétaire du centre commercial au moment de l'incident, Bob Nazarian, a menti au sujet des travaux de réparation et a usé «de subterfuges et de mensonges pour induire en erreur les autorités, les locataires et le public», conclut le rapport.

Les autorités municipales - le maire, les conseillers et les inspecteurs en bâtiment - ont quant à elles fait preuve d'aveuglement volontaire, ignorant des plaintes du public et des avertissements au sujet des fuites et des chutes de morceaux de plafond. Elles ont illégalement empêché le public de participer aux discussions à ce sujet et n'ont pas appliqué leurs propres lois, selon le rapport.

Le rapport note également que les dirigeants du ministère provincial du Travail, qui avait des bureaux dans le centre commercial, ont été étrangement indifférents devant le mauvais état de l'établissement et n'ont pas répondu aux plaintes à ce sujet.

Au total, le rapport fait 71 recommandations, incluant des normes minimales d'entretien pour les édifices, des inspections par des ingénieurs dûment qualifiés et un remaniement du système d'intervention en cas d'urgence de la province.