Intercepter les prières qu'un prêtre adresse à Dieu et s'en servir pour le congédier d'un hôpital n'est pas une idée lumineuse, vient d'apprendre à ses dépens une fonctionnaire.

Le Centre hospitalier universitaire de Sherbrooke (CHUS) a reçu un jugement négatif d'un arbitre du travail, cet automne, alors qu'un prêtre a réussi à faire reconnaître que ses supérieurs ne pouvaient mettre leur nez dans les «intentions de prières» laissées à la chapelle de l'hôpital.

Le père François Paré contestait alors son congédiement. Il a été renvoyé par le CHUS au début de l'année 2012, après que sa chef d'équipe eut lu un message qu'il destinait à Dieu et qu'il avait placé dans un panier prévu à cet effet, près de l'autel. Ces messages sont normalement détruits après chaque messe.

L'hôpital est allé jusqu'à faire appel à des spécialistes en identification des calligraphies au Laboratoire de sciences judiciaires et de médecine légale du Québec afin de certifier que le billet retrouvé était bien celui du père Paré.

Impossible toutefois de connaître le contenu de cette «intention de prières». Le jugement d'arbitrage ne l'indique pas et tous les acteurs au dossier refusent de dévoiler cette information.

«Le Tribunal en vient à la conclusion que [la chef d'équipe] et l'employeur ont porté atteinte à la vie privée du plaignant en interceptant ou en utilisant l'intention de prières du plaignant», conclut l'arbitre Jean Barrette. «Le Tribunal estime déloyale ou inéquitable l'utilisation d'une telle preuve.»

L'archevêque témoigne

Selon la décision du tribunal d'arbitrage, le père François Paré travaillait au CHUS depuis 2008: il y célébrait des messes et offrait des services spirituels aux patients.

À la mi-novembre 2011, M. Paré «est dans un état d'esprit fragile», relate le jugement: il s'est absenté du bureau en raison d'épuisement professionnel et doit se présenter à un examen médical imposé par le CHUS afin de savoir s'il est en état de rentrer au travail.

«Immédiatement après sa rencontre avec ce médecin, il s'est rendu à la chapelle de l'hôpital Fleurimont se recueillir et se confier à Dieu pour l'aider à passer au travers de cette situation», explique le jugement d'arbitrage. Après avoir senti ne pas avoir été entendu, le père Paré a rédigé l'«intention de prières» controversée.

Lors des audiences, l'archevêque de Sherbrooke, Mgr Luc Cyr, a témoigné sur l'importance suprême de la confidentialité des «intentions de prières».

Joints au téléphone, ni le père François Paré ni le CHUS n'ont souhaité commenter le dossier.