Le restaurant-bar E&B club lounge, où un jeune homme a été poignardé dans le dos la nuit dernière dans l'arrondissement montréalais Notre-Dame-de-Grâce, est loin d'en être à son premier événement violent. Il a dans le passé été le théâtre de meurtres, tentatives de meurtres et d'agressions à l'arme à feu.

Cet établissement qui a pignon sur rue au 5345 boulevard de Maisonneuve Ouest depuis le début des années 1990, qui s'appelait autrefois le Rainbow Ites, est une adresse importante de la scène musicale hip-hop et reggae underground montréalaise. S'y trouvent un restaurant antillais, et une salle de spectacle pouvant accueillir un public de 200 personnes.

Mardi soir, l'artiste américain Waka Flocka Flame, un rappeur aux textes plutôt violents assez populaire, s'y produisait.

Des policiers montréalais du groupe Éclipse, chargés de surveiller les activités nocturnes et des gangs de rues, étaient postés devant l'établissement.

«Nous avions l'information que des individus liés aux gangs de rues se trouvaient sur place», indique l'agent Daniel Lacoursière, porte-parole du SPVM, pour expliquer cette présence.

Soudain, vers 1h05, les agents en faction ont eu la surprise de voir un jeune homme blanc âgé de 21 ans sortir du E&B, tituber et s'effondrer au sol devant eux, ensanglanté.

Les premières informations glanées par les policiers portent à croire que le jeune homme a été poignardé dans le dos, à plusieurs reprises, à l'intérieur de l'établissement. Il repose dans un état critique à l'hôpital.

Il aurait été impliqué dans une dispute, pour une raison inconnue, et aurait été poignardé dans le dos. Les suspects recherchés seraient un homme et une femme, de race noire, jeunes eux aussi.

Même si la police croit que des membres de gangs de rues étaient sur les lieux, les enquêteurs refusent de faire un lien entre les criminels et ce crime.

Laurent Lake, un habitué du E&B et employé du garage qui se trouve juste en dessous, croit qu'il y avait peu de gangsters mardi soir et qu'ils n'ont aucun lien avec cette affaire.

«Je connais le coin et hier il y avait surtout des étudiants, des gens qui aiment le hip-hop, même des couples. Les gens venaient beaucoup d'Ontario», dit-il.

«Je crois que c'est plus une affaire de racisme, de couleur. Dans les soirées comme ça, il y a beaucoup de blancs qui font de l'attitude. Du genre moi je suis noir, toi t'es blanc, dans un show hip-hop, et quand des blancs font de l'attitude, il y a des noirs qui n'acceptent pas ça», analyse l'homme.

Il note au passage que le E&B a déjà été le théâtre de «quelques meurtres» et que l'endroit «n'a pas bonne réputation».

«Quand les policiers savent qu'il y a un spectacle ici, ils viennent faire de la prévention. Et c'est une bonne chose. Si les policiers n'avaient pas été là hier, il y aurait peut-être eu plus de gangs de rues ici», croit-il.

Le E&B, ou son prédécesseur le Rainbow Ites, qui avait les mêmes propriétaires, ont une longue feuille de route en matière de crimes violents.

En 1993, un trafiquant de drogue d'origine hongroise, Emery-Edward Bihary, a été tué par balle dans un stationnement adjacent au Rainbow Ites, d'où il sortait.

Trois ans plus tard, Stewart Brown, 22 ans, était criblé de balles à l'intérieur du Rainbow. Un trafiquant allait être arrêté un an plus tard à New York et accusé de ce meurtre.

En mai 2001, une adolescente de 17 ans, Katerine, était trouvée inconsciente dans un stationnement à quelques dizaines de mètres du Rainbow-Ites. Elle avait été battue et laissée pour morte. Elle a subi de lourds dommages au cerveau. La veille, elle aurait assisté à un spectacle de hip-hop dans le bar.

Fin 2004, une décision de la Régie des alcools, des courses et des jeux suspendait le permis d'alcool du Rainbow Ites 60 jours pour diverses raisons, entre autres la présence de drogue, de mineurs et d'un trop grand nombre de personnes sur place, mais surtout, en raison d'événements violents.

On y décrivait un épisode au cours duquel un homme, qui a été arrêté armé et en possession de crack, avait tiré avec son pistolet de calibre 9mm dans la salle de spectacle, ne blessant personne.

Une autre journée, un client a été tabassé à coups de crosse de revolver de calibre 38. Il a été jeté dans l'escalier du bar et abandonné par ses agresseurs, qui ont été arrêtés.

Puis en 2001, un homme a été poignardé à l'abdomen et ailleurs par un individu armé d'une bouteille de verre cassée. Il a été grièvement blessé, mais a peu collaboré avec la police. Le responsable de la sécurité du bar a dit n'avoir repéré aucun suspect.