Les opérateurs d'une usine à drogues chimiques ont été accusés, cette semaine, d'avoir produit des dizaines de milliers de comprimés dans leurs installations où s'effectuaient côte à côte, sans protocoles sécuritaires, des mélanges de speed et des comprimés de fentanyl potentiellement mortels.

« C'était vraiment dangereux. Ce ne sont pas des pharmaciens, ce sont des gars qui se sont improvisés pharmaciens. Ils ont zéro formation, aucune connaissance, aucune compétence, c'est de l'improvisation. Nous avons dû mettre fin à ça rapidement », explique le commandant Nicodemo Milano, commandant de la Division du crime organisé du Service de police de la Ville de Montréal (SPVM).

La drogue était produite en périphérie de la région métropolitaine, mais elle était destinée au marché montréalais, selon l'enquête.

Le commandant souligne que le groupe produisait des comprimés d'amphétamines et de métamphétamines, qu'on appelle des speed, une drogue populaire chez les jeunes, dans les mêmes installations que des comprimés de fentanyl, un opiacé 40 fois plus fort que l'héroïne dont une minuscule dose peut être mortelle. Il y avait risque de contamination croisée.

AUCUNE SURDOSE

Aucune surdose n'avait été reliée à la marchandise de ce groupe jusqu'ici, mais comme le fentanyl a déjà fait plusieurs morts au Québec et qu'il est responsable d'une grave crise de santé publique dans l'Ouest canadien, la police de Montréal a comme politique d'agir le plus rapidement possible lorsqu'elle trouve une source d'approvisionnement.

Les accusés, Darcy Warnet, 52 ans, de Montréal, Daniel Bilodeau, 53 ans, de Laval, et Jean-François Simard, 48 ans, de Sainte-Marie-Salomé, ont comparu au palais de justice de Montréal mercredi. Le procureur de la poursuite, Me Philippe Vallières-Roland, s'est opposé à leur libération, de sorte qu'ils doivent revenir en cour aujourd'hui pour une enquête sur remise en liberté. Ils font face à une série d'accusations liées à la production de drogues.

Les installations du trio avaient été frappées par la police en février 2017, dans le cadre d'une enquête baptisée Projet Amont. Les enquêteurs avaient perquisitionné les locaux à L'Assomption et à Saint-Charles-sur-Richelieu, où étaient fabriquées les pilules, ainsi qu'à Brossard, où une partie des produits ou du matériel était gardée. Il a ensuite fallu quelques mois pour boucler l'enquête et préparer le dépôt des accusations.

Les policiers ont saisi environ 50 000 comprimés illégaux, 2 kg de fentanyl pur, de la cocaïne et pas moins de 6 presses à pilules qui disposaient de 75 poinçons pour fabriquer à grande vitesse d'importantes quantités.

Certains des comprimés étaient des imitations de comprimés légaux d'oxycodone, un opiacé vendu sur ordonnance comme antidouleur. Ils contenaient en fait du fentanyl.

Un horaire écrit déterminait les heures de travail de chaque membre du groupe au laboratoire. Un quatrième coaccusé, André Francoeur, 65 ans, de Sainte-Anne-des-Plaines, était quant à lui utilisé uniquement comme réparateur de machinerie, afin d'assurer la continuité des opérations, selon l'enquête.

PLUSIEURS ORGANISMES IMPLIQUÉS

Ce sont la Gendarmerie royale du Canada et l'Agence des services frontaliers qui avaient alerté le SPVM après avoir constaté que des gens de la région de Montréal avaient commandé de la machinerie spécialisée et des produits chimiques de Chine.

« Il faut le souligner, sans eux, on n'avait pas cette enquête », affirme le commandant Milano.

Le SPVM considère les accusés comme des proches des motards. « Nous n'avons aucun doute qu'il y a des liens avec le groupe de motards hors la loi Hells Angels », affirme le commandant.