L'agression armée du militant transgenre Esteban Torres Wicttorff contre Philippe Couillard en juin 2016 est une «atteinte directe à la démocratie» commise dans un «contexte politique», plaide la Couronne. Le trans de 21 ans a reconnu ce matin, en plaidant coupable à une accusation d'agression armée, avoir lancé une boule de papier sur le premier ministre.

Le coup d'éclat de l'homme de 21 ans pendant une veillée pacifique en mémoire des victimes de la tuerie du bar d'Orlando avait provoqué l'évacuation du premier ministre et un véritable tumulte dans la foule. Le mystérieux objet lancé sur Philippe Couillard s'est révélé être une boule de papier sur lequel le militant avait inscrit ses revendications politiques. Il s'agit ainsi d'un «acte symbolique et politique», selon le résumé des faits. L'objet n'a jamais été retrouvé.

Vêtu d'un veston cravate bleu, Esteban Torres Wicttorff a témoigné ce matin lors des observations sur la peine qu'il se sentait «en colère» et «triste» ce jour-là, alors qu'il partageait la scène avec le premier ministre. Selon lui, Philippe Couillard avait décrit à tort Montréal comme une ville «inclusive». «Ça m'a choqué qu'un politicien ne sache pas ce qui se passe dans sa propre ville», dit-il. Il dit toutefois regretter son geste.

Son avocate, Me Arij Riahi, demandait initialement à la Cour l'imposition d'une absolution inconditionnelle, mais a changé son fusil d'épaule pendant ses représentations pour demander une absolution conditionnelle. Cette sanction permet à l'accusé d'éviter à long terme d'avoir un casier judiciaire en respectant certaines conditions. La défense soutient qu'Esteban Torres Wicttorff a eu un parcours difficile étant transgenre et qu'un casier judiciaire serait un fardeau supplémentaire pour ce dernier.

La Couronne réclame l'imposition de 150 heures de travaux communautaires, d'une probation de trois ans et d'une interdiction de communiquer avec Philippe Couillard et sa famille. «On ne tue pas des gens avec des boules de papier, concède la procureure de la Couronne Amélie Rivard. Mais c'est un crime qui doit être sévèrement puni. On s'attaque à la substance de la démocratie, surtout dans le contexte actuel, on n'est pas à l'abri de tels gestes avec des conséquences plus graves.» Selon Me Rivard, le geste de M. Torres Wicttorff ne peut être «dépolitisé» et doit être puni par la Cour.

Le juge Daniel Bédard de la Cour du Québec rendra sa décision le 20 octobre prochain. Il entend prendre en compte la «double minorité», de M. Torres Wicttorff, soit être «gai et trans».

Photo Bernard Brault, archives La Presse

Le coup d'éclat d'Esteban Torres Wicttorff pendant une veillée pacifique en mémoire des victimes de la tuerie du bar d'Orlando avait provoqué l'évacuation de Philippe Couillard.