Deux ans avant le meurtre de Daphné Boudreault, la Sûreté du Québec est intervenue à trois reprises à Saint-Hyacinthe pour des disputes entre la jeune femme et Anthony Pratte-Lops, a appris La Presse de source policière. Or, aucune violence conjugale n'avait alors été dénoncée. Les policiers avaient quand même cru bon d'accompagner l'adolescente dans l'appartement du couple le lendemain d'une intervention, contrairement à certains policiers municipaux le jour du meurtre.

En juillet 2015, Daphné Boudreault et Anthony Pratte-Lops, en couple depuis quelques mois, entretenaient déjà une relation orageuse dans leur appartement de la rue Cherrier à Saint-Hyacinthe. Le costaud gaillard de 20 ans n'avait pas de travail, alors que l'adolescente de tout juste 17 ans travaillait comme commis.

Un après-midi de juillet, une intense dispute a mené Anthony Pratte-Lops à faire appel aux policiers de la SQ. Daphné Boudreault était alors en crise selon lui en raison de la séparation imminente du couple. Le dossier a été clos par les policiers, puisque ni l'un ni l'autre n'a déposé de plainte ou n'a dénoncé des épisodes de violence ou de menaces, soutient une source policière.

Deux mois plus tard, c'est cette fois Daphné Boudreault qui a appelé le 911 pour réclamer l'intervention de la Sûreté du Québec afin d'aider Anthony Pratte-Lops, selon notre source. Ce dernier était parti en trombe de l'appartement à la suite d'une chicane qui sonnait le glas de leur couple. Inquiète pour la santé de son copain, en raison de son instabilité, Daphné Boudreault avait demandé aux policiers de l'intercepter en voiture pour éviter le pire. Or, celui-ci n'avait aucune pensée suicidaire. Il s'est finalement rendu chez ses parents, comme il avait prévu. Aucune plainte formelle n'a été déposée par Daphné Boudreault.

Cette énième dispute n'a toutefois pas mis un terme à leur relation, puisque quelques jours plus tard, Anthony Pratte-Lops a demandé à nouveau la présence de la SQ, parce que sa copine était en crise, indique une source policière. Il avait même accueilli les policiers à l'extérieur de l'immeuble, alors que Daphné Boudreault pleurait à l'intérieur en faisant ses valises. La police n'a pas eu de preuve qu'il avait frappé l'adolescente. Les deux ont refusé de porter plainte l'un contre l'autre. Néanmoins, des policiers de la SQ ont accompagné la jeune femme dans l'appartement le lendemain, afin qu'elle récupère ses effets personnels restants. La Sûreté du Québec, qui mène l'enquête de meurtre, a refusé de commenter ces informations.

Daphné Boudreault déçue

Ces interventions policières avaient amèrement déçu Daphné Boudreault, ont raconté à La Presse deux de ses collègues. Ébranlée, la jeune femme s'était confiée à elles quelques heures avant sa mort, mercredi dernier. 

«À 10h, elle nous a dit que c'était déjà arrivé qu'il lui sacre une baffe. Quand les deux habitaient à Saint-Hyacinthe, elle avait déjà fait venir la SQ. Elle a dit qu'ils n'avaient pas fait grand-chose aussi. Elle avait appelé parce qu'Anthony avait été violent avec elle. Je pense qu'il l'avait frappée», raconte Sophie-Andrée Savard.

«C'était quelqu'un qui ne parlait pas beaucoup de ses problèmes, mais cette journée-là, Daphné était en détresse. Elle disait que dans le passé, il y a d'autres situations où les policiers s'étaient pointés et n'avaient rien fait pour elle», a confié Shanon Meilleur, la semaine dernière. Selon notre source policière, les policiers n'ont détecté aucun élément laissant croire qu'Anthony Pratte-Lops avait battu Daphné Boudreault lors de ces trois interventions. 

Alexis Massé, le nouveau copain de Daphné Boudreault, a dit à La Presse que celle-ci avait fait une plainte contre son ex-copain dans le passé, sans préciser toutefois si cet incident s'était produit à Saint-Hyacinthe. Le couple Boudreault-Pratte habitait depuis l'an dernier à Mont-Saint-Hilaire, un territoire patrouillé par la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent.

Une autre amie de la victime, Mélissa Tousignant, a également soutenu à La Presse que Daphné Boudreault avait été «poussée dans les escaliers» par son conjoint et qu'il l'a «frappait régulièrement».

Appel au 911 le jour de sa mort

Le jour de sa mort, Daphné Boudreault avait appelé le 911 sur son lieu de travail, parce que Anthony Pratte-Lops la harcelait dès 5h30 du matin. L'homme de 22 ans refusait d'accepter leur rupture et s'était rendu au dépanneur où elle travaillait pour l'insulter. Selon ses collègues présents, la femme de 18 ans avait peur de son ex-copain. Or, les quatre policiers de la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent auraient refusé sa demande d'escorte policière. Celle-ci voulait récupérer son téléphone et des effets personnels dans son ancien appartement le jour même. Deux ans plus tôt, les policiers de la SQ avaient pourtant accepté une demande semblable. 

Finalement, une policière de la Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent a accepté d'accompagner la jeune femme après que celle-ci se fut rendue au poste de police à la fin de son quart de travail. Toutefois, la policière est arrivée à peine une ou deux minutes après Daphné Boudreault et a cogné à la mauvaise porte de l'édifice, pratiquement au moment du meurtre. Cette policière est alors tombée nez à nez avec Anthony Pratte-Lops qui avait les mains ensanglantées. Celui-ci a été accusé jeudi dernier du meurtre prémédité de Daphné Boudreault.

La Régie intermunicipale de police Richelieu-Saint-Laurent a refusé de commenter l'affaire. La SQ a pris en charge l'enquête criminelle, alors que le Bureau des enquêtes indépendantes enquête sur l'intervention policière de la Régie.

PHOTO TIRÉE DE FACEBOOK

Anthony Pratte-Lops