Jonathan Bettez, le principal suspect dans l'affaire Cédrika Provencher, a accepté lundi de se soumettre au test du polygraphe à condition que le résultat soit rendu public, avant de se rétracter devant l'accord de la police, a appris La Presse de source policière.

Il s'agissait de son cinquième refus depuis le début de l'enquête, selon nos informations.

L'homme de 36 ans a été accusé hier de possession de pornographie juvénile, mais c'est la fillette devenue tragiquement célèbre qui occupait tous les esprits, au palais de justice de Trois-Rivières : les parents de Cédrika s'étaient déplacés, des citoyens s'étaient rassemblés en grand nombre pour invectiver l'accusé et même le juge Jacques Trudel a souligné le « caractère particulier » de l'audience.

Hasard du calendrier ou geste délibéré de la police, Bettez a été arrêté le jour de l'anniversaire de Cédrika. Elle aurait eu 19 ans.

Hier, il a été mis en liberté, laissant en garantie 5000 $ et son passeport, promettant d'éviter les enfants et de ne pas naviguer sur l'internet hors de son lieu de travail. Il a quitté le palais de justice sous les insultes, protégé par des policiers en état d'alerte. « Un individu sans antécédents [...] est pas mal systématiquement remis en liberté », a affirmé le procureur de la Couronne Jean-Marc Poirier, pour expliquer sa décision de ne pas s'opposer à sa libération.

DES PARENTS INFLUENTS

La veille, dans les locaux de la Sûreté du Québec, Bettez continuait de nier qu'il a enlevé puis tué la fillette de 9 ans, en 2007. La Presse a appris que l'homme avait d'abord accepté de se soumettre au test du polygraphe à quelques conditions - dont l'annonce publique de ses résultats -, mais il s'est finalement désisté après que les enquêteurs eurent accepté toutes ses conditions.

Les enquêteurs attribuent le manque de collaboration du suspect à la grande influence qu'ont ses parents sur lui, a continué notre source, très au fait du dossier.

« Qu'il collabore », a imploré Martin Provencher, le père de Cédrika, juste après l'audience sur remise en liberté de Jonathan Bettez. Il souhaite que le suspect numéro 1 se soumette enfin au polygraphe. « Peut-être qu'il avait à l'époque des choses à cacher, qui concernent les chefs d'accusation d'aujourd'hui. »

La mère de Cédrika, Karine Fortier, n'a pas voulu s'adresser aux médias réunis au palais de justice.

SOUPÇONNÉ DEPUIS 2008

L'accusé - un homme d'affaires bien connu à Trois-Rivières qui oeuvre au sein de l'entreprise familiale, Emballages Bettez - est dans la ligne de mire des policiers depuis 2008. À l'époque des faits, il était le seul propriétaire d'Acura rouge aux poignées chromées dans la région à avoir refusé de se soumettre au polygraphe. C'est ce type de voiture qui avait été signalé dans le quartier où résidait Cédrika le jour de sa disparition.

Hier, l'homme a été inculpé de six chefs d'accusation, pour des faits qui se sont déroulés de 2009 à 2013 : on lui reproche d'avoir possédé, consulté et publié du matériel pornographique juvénile. Aucun geste de violence ne lui est reproché dans l'acte d'accusation. Selon nos informations, ce sont des moyens technologiques - et non humains - qui ont mené à l'arrestation de l'individu. « Ce n'est pas un leurre, une affaire d'agent double ou de policière qui s'est fait passer pour une mineure de 14 ans qui nous a permis de le coincer », avait-on expliqué lundi à La Presse. Il a été appréhendé aux bureaux des Emballages Bettez. Ceux-ci ont été perquisitionnés, tout comme deux résidences de Trois-Rivières.

Vêtu d'une chemise pâle aux couleurs de l'entreprise, l'accusé est demeuré impassible pendant l'audience, tout comme à son entrée et à sa sortie du palais de justice. Il n'a pas voulu répondre aux questions des journalistes et n'a pas répliqué aux cris des citoyens en colère.

Son avocat, Michel Lebrun, a refusé de parler aux journalistes. Devant le juge Trudel, il a déclaré qu'il agissait au nom de Magali Lepage, une criminaliste montréalaise absente hier. Me Lepage n'a pas donné suite à l'appel de La Presse.

Les chefs d'accusation déposés hier contre Jonathan Bettez, tous relatifs aux années 2009 à 2013

• Deux chefs de possession de pornographie juvénile.

• Deux chefs d'accès à de la pornographie juvénile.

• Un chef d'avoir rendu disponible de la pornographie juvénile.

• Un chef de possession de pornographie juvénile en vue de la transmettre.

Jusqu'à 14 ans de prison

S'il est jugé coupable des crimes liés à la pornographie juvénile qui lui sont reprochés, Jonathan Bettez encourt d'une à quatorze années de prison. Les accusations relatives à la transmission sont les plus graves. La simple possession peut lui valoir entre six mois et dix ans de prison.